Sans pour autant être sa seule création, les Fables sont incontestablement le chef-d’œuvre de Jean de La Fontaine. Le premier recueil fut publié en 1668, et ne cessa d’être augmenté de textes nouveaux. Le choix du genre de la fable répondait à une stratégie littéraire complexe, qui peut paraître paradoxale. Remontant à une tradition ancienne (Ésope, VIe siècle av. J.-C.), la fable, ou apologue, est un genre d’origine populaire, consistant en un récit court, souvent agrémenté d’un dialogue, et servant à illustrer une morale.
Au cours des siècles, le répertoire de la fable s’est constamment enrichi, constituant un fonds de sagesse populaire et de morale pratique. Les latins (Phèdre, Ier siècle), puis les auteurs français et italiens du Moyen Âge et de la Renaissance ont perpétué cette tradition, surtout présente au XVIIe siècle dans l’usage scolaire : on s’en servait alors dans les collèges comme exercice de traduction et comme leçon de morale. Le genre de la fable est au XVIIe siècle un genre bas, sans dignité littéraire.
Or c’est ce genre que choisit La Fontaine, qui y voyait la possibilité de pratiquer une poésie naturelle, spontanée, pleine d’élégante simplicité, propre à plaire au public des salons.
Dès la publication du premier livre des Fables, une véritable mode fut lançée : «Il n’y a pas d’instruction qui soit plus naturelle et qui touche plus vivement que celle-ci.», écrivit l’académicien Furetière en 1671.
La Fontaine avait, il est vrai, transformé ce genre simple, quasi rustique de l’apologue ésopique. La grande nouveauté de ses Fables réside dans l’importance accordée au récit. La morale était pour ainsi dire la colonne vertébrale de l’apologue ésopique, le récit n’ayant qu’une fonction secondaire, d’illustration.
Chez La Fontaine, au contraire, celui-ci se développe considérablement par rapport à la morale, qui, loin de rester la seule finalité de la fable, en devient plutôt le prétexte. Ainsi, les canevas des fables d’Ésope se transforment-ils en véritables petites scènes de genre, pittoresques et circonstanciées, le plus souvent teintées d’humour.
Jouant sur l’alternance irrégulière de différents mètres (octosyllabes et alexandrins, par exemple), utilisant des effets complexes de rythmes, d’assonances et de rimes, La Fontaine se sert de toutes les ressources de la forme versifiée pour dynamiser le récit, lui donner l’allure naturelle d’un conte, à mi-chemin entre prose et poésie.
Par ailleurs, le rapport, constitutif du genre, entre récit et morale, est subverti, ou du moins assoupli par La Fontaine, qui explore toutes les possibilités que peut lui fournir cette structure de l’apologue. S’abstenant souvent de formuler la morale (c’est le cas, notamment, de la première fable du recueil, «la Cigale et la fourmi»), proposant parfois deux fables propres à illustrer la même morale (comme pour «le Héron» et «la Fille», Fables, VII, 4), ou, à l’inverse, deux morales expliquant la même fable, il invite le lecteur à lire la fable comme un jeu, et à prendre ses distances avec toute tentation de moralisme.
Charge est alors donnée au lecteur de suppléer à l’absence de dogmatisme du fabuliste en dégageant, selon sa propre subjectivité, une leçon morale qu’on s’abstient de lui formuler de façon univoque.
Car les Fables de La Fontaine, c’est là peut-être leur caractéristique la plus spécifique, déploient, à l’échelle de la fable, comme à l’échelle du recueil, une esthétique de la conversation.
Abondant en dialogues, leur récit est composé d’une polyphonie de voix narratives, qui leur donnent leur dimension théâtrale : la morale elle-même se trouve parfois dans la bouche d’un personnage, comme le Renard («Apprenez, Monsieur du Corbeau, que tout flatteur vit au dépend de celui qui l’écoute!», «le Corbeau et le renard», Fables, I, 2).
Mais surtout, le fabuliste se met lui-même en scène sur le théâtre de ses fables, prenant le lecteur à parti, nourrissant certains des récits d’expressions personnelles («Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi; je m’écarte, je vais détrôner le Sophi, on m’élit roi, mon peuple m’aime. Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant : quelque accident fait-il que je rentre en moi-même!; je suis gros Jean comme devant!», «la Laitière et le pot au lait», Fables, VII, 9).
Ainsi, le conteur-fabuliste joue-t-il un rôle de médiateur, par rapport à la société policée de ses lecteurs, désignée par les épîtres-liminaires de chacun des douze livres du recueil. À cette société, il adresse, en images et en discours, la figure d’un monde imaginaire, reflet voilé et plein de grâce du monde dur, féroce et cruel de la société des hommes. Telle est la fonction du conteur-fabuliste qui cherche à ménager une distance esthétique entre la vérité des «choses de la vie» et les sentiments délicats de ses auditeurs civilisés.
La liste des 12 livres de Jean de La fontaine
- Les fables du livre I
- Les fables du livre II
- Les fables du livre III
- Les fables du livre IV
- Les fables du livre V
- Les fables du livre VI
- Les fables du livre VII
- Les fables du livre VIII
- Les fables du livre IX
- Les fables du livre X
- Les fables du livre XI
- Les fables du livre XII
Titres des fables par ordre livres des fables de la fontaine
Les fables du livre I
- La Cigale et la Fourmi
- Le Corbeau et le Renard
- La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Boeuf
- Les deux Mulets
- Le Loup et le Chien
- La Génisse la Chèvre et la Brebis en société avec le Lion.
- La Besace
- L’ Hirondelle et les petits oiseaux
- Le Rat de ville et le Rat des champs
- Le Loup et l’Agneau
- L’ homme et son image
- Le Dragon à plusieurs têtes et le dragon à plusieurs queues.
- Les voleurs et l’Ane.
- Simonide préservé par les Dieux.
- La Mort et le malheureux
- La Mort et le bûcheron
- L’ homme entre deux âges et ses deux maîtresses.
- Le Renard et la Cigogne
- L’ Enfant et le maître d’école.
- Le Coq et la perle
- Les Frelons et les Mouches à miel
- Le Chêne et le Roseau
- A Monseigneur le Dauphin
Les fables du livre II
- Contre ceux qui ont le goût difficile
- Conseil tenu par les Rats
- Les deux Taureaux et une Grenouille
- Le Loup plaidant contre le Renard par-devant le Singe
- La Chauve-souris et les deux Belettes
- L’ Oiseau blessé d’une flèche
- La Lice et sa Compagne
- L’ Aigle et l’Escarbot
- Le Lion et le Moucheron
- L’ Ane chargé d’éponges et l’Ane chargé de sel
- Le Lion et le Rat
- La Colombe et la Fourmi
- L’ Astrologue qui se laisse tomber dans un puits
- Le Lièvre et les Grenouilles
- Le Coq et le Renard
- Le Corbeau voulant imiter l’Aigle
- Le Paon se plaignant à Junon
- La Chatte métamorphosée en Femme
- Le Lion et l’Ane chassant
- Testament expliqué par Esope
Les fables du livre III
- Le Meunier son fils et l’Ane
- Les Membres et l’Estomac
- Le Loup devenu Berger
- Les Grenouilles qui demandent un Roi
- Le Renard et le Bouc
- L’ Aigle la Laie et la Chatte
- L’ Ivrogne et sa Femme
- La Goutte et l’Araignée
- Le Loup et la Cigogne
- Le Lion abattu par l’Homme
- Le Renard et les Raisins
- Le Cygne et le Cuisinier
- Les Loups et les Brebis
- Le Lion devenu vieux
- Philomèle et Progné
- La Femme noyée
- La Belette entrée dans un Grenier
- Le Chat et un vieux Rat
Les fables du livre IV
- Le Lion amoureux
- Le Berger et la Mer
- La Mouche et la Fourmi
- Le Jardinier et son Seigneur
- L’ Ane et le petit Chien
- Le Combat des Rats et des Belettes
- Le Singe et le Dauphin
- L’ Homme et l’Idole de bois
- Le Geai paré des plumes du Paon
- Le Chameau et les Bâtons flottants
- La Grenouille et le Rat
- Tribut envoyé par les Animaux à Alexandre
- Le Cheval s’étant voulu venger du Cerf
- Le Renard et le Buste
- Le Loup la Chèvre et le Chevreau
- Le Loup la Mère et l’Enfant
- Parole de Socrate
- Le Vieillard et ses Enfants
- L’Oracle et l’Impie
- L’Avare qui a perdu son Trésor
- L’Oeil du Maître
- L’Alouette et ses Petits avec le Maître d’un champ
Les fables du livre V
- Le Bûcheron et Mercure
- Le Pot de terre et le Pot de fer
- Le petit Poisson et le Pêcheur
- Les oreilles du Lièvre
- La Vieille et les deux Servantes
- Le Satyre et le Passant
- Le Cheval et le Loup
- Le Renard ayant la queue coupée
- Le Laboureur et ses Enfants
- La Montagne qui accouche
- la Fortune et le jeune Enfant
- Les Médecins
- La Poule aux oeufs d’or
- L’ Ane portant des reliques
- Le Cerf et la Vigne
- Le Serpent et la Lime
- Le Lièvre et la Perdrix
- L’ Aigle et le Hibou
- Le Lion s’en allant en guerre
- L’ Ours et les deux Compagnons
- L’ Ane vêtu de la peau du Lion
Les fables du livre VI
- Le Pâtre et le Lion
- Le Lion et le Chasseur
- Phébus et Borée
- Jupiter et le Métayer
- Le Cochet le Chat et le Souriceau
- Le Renard le Singe et les Animaux
- Le Mulet se vantant de sa généalogie
- Le Vieillard et l’Ane
- Le Cerf se voyant dans l’eau
- Le Lièvre et la Tortue
- L’ Ane et ses Maîtres
- Le Soleil et les Grenouilles.
- Le Villageois et le Serpent
- Le Lion malade et le Renard
- L’ Oiseleur l’Autour et l’Alouette
- Le Cheval et l’Ane
- Le Chien qui lâche sa proie pour l’ombre
- Le Chartier embourbé
- Le Charlatan
- La Discorde
- La jeune Veuve
- Epilogue
Les fables du livre VII
- A Madame de Montespan
- Les Animaux malades de la Peste
- Le mal marié
- Le Rat qui s’est retiré du monde
- Le Héron
- La Fille
- Les Souhaits
- La Cour du Lion
- Les Vautours et les Pigeons
- Le Coche et la Mouche
- La Laitière et le pot au lait
- Le Curé et le Mort
- L’ Homme qui court après la Fortune et l’Homme qui l’attend dans son lit
- Les deux Coqs
- L’ Ingratitude et l’Injustice des Hommes envers la Fortune
- Les Devineresses
- Le Chat, la Belette et le petit lapin
- La tête et la queue du Serpent
- Un animal dans la lune
Les fables du livre VIII
- La Mort et le Mourant
- Le Savetier et le Financier
- Le Pouvoir des Fables
- L’ Homme et la Puce
- Les Femmes et le secret
- Le Chien qui porte à son cou le dîné de son Maître
- Le Rieur et les Poissons
- Le Rat et l’Huître
- L’ Ours et l’Amateur des jardins
- les deux Amis
- Le Cochon la Chèvre et le Mouton
- Tircis et Amarante
- Les obsèques de la Lionne
- Le Rat et l’Eléphant
- L’ Horoscope
- L’ Ane et le Chien
- Le Bassa et le Marchand
- L’ Avantage de la Science
- Jupiter et les Tonnerres
- Le Faucon et le Chapon
- Le Chat et le Rat
- Le Torrent et la Rivière
- L’ Education
- Les deux Chiens et l’Ane mort
- Démocrite et les Abdéritains
- Le Loup et le Chasseur
- Le Lion, le Loup et le Renard
Les fables du livre IX
- Le Dépositaire infidèle
- Les deux Pigeons
- Le Singe et le Léopard
- Le Gland et la Citrouille
- L’ Ecolier le Pédant et le Maître d’un jardin
- Le Statuaire et la statue de Jupiter
- La Souris métamorphosée en fille
- Le Fou qui vend la sagesse
- L’ Huître et les Plaideurs
- Le Loup et le Chien maigre
- Rien de trop
- Le cierge
- Jupiter et le Passager
- Le Chat et le Renard
- Le Mari la Femme et le Voleur
- Le Trésor et les deux Hommes
- Le Singe et le Chat
- Le Milan et le Rossignol
- Le Berger et son troupeau
- Discours à Madame de la Sablière
Les fables du livre X
- L’ Homme et la Couleuvre
- La Tortue et les deux Canards
- Les Poissons et le Cormoran
- L’ Enfouisseur et son Compère
- Le Loup et les Bergers
- L’ Araignée et l’Hirondelle
- La Perdrix et les Coqs
- Le Chien à qui on a coupé les oreilles
- Le Berger et le Roi
- Les Poissons et le Berger qui joue de la Flûte
- Les deux Perroquets le Roi et son Fils
- La Lionne et l’Ourse
- Les deux Aventuriers et le Talisman
- Les DIscours à Monsieur le Duc de La Rochefoucauld
- Le Marchand, le Gentilhomme le Pâtre et le Fils du roi
Les fables du livre XI
- Le Lion
- Les Dieux voulant instruire un fils de Jupiter
- Le Fermier le Chien et le Renard
- Le songe d’un habitant du Mogol
- Le Lion le Singe et les deux Anes
- Le Loup et le Renard
- Le Paysan du Danube
- Le Vieillard et les trois jeunes Hommes
- Les Souris et le Chat-huant
- Epilogue
Les fables du livre XII
- Dédicace à Monseigneur le Duc de Bourgogne
- Les Compagnons d’Ulysse
- Le Chat et les deux Moineaux
- Du Thésauriseur et du Singe
- Les deux Chèvres
- Le vieux Chat et la jeune Souris
- Le Cerf malade
- La Chauve-souris le Buisson et le Canard
- La Querelle des Chiens et des Chats et celle des chats et des souris
- Le Loup et le Renard
- L’ Ecrevisse et sa Fille
- L’ Aigle et la Pie
- Le Milan le roi et le Chasseur
- Le Renard les Mouches et le Hérisson
- L’ Amour et la Folie
- Le Corbeau, la Gazelle, la Tortue et le Rat
- La Forêt et le Bûcheron
- Le Renard, le Loup et le Cheval
- Le Renard et les Poulets d’Inde
- Le Singe
- Le Philosophe Scythe
- L’ Eléphant et le Singe de Jupiter
- Un Fou et un Sage
- Le Renard anglais
- Daphnis et Alcimadure
- Philémon et Baucis
- La Matrone d’Ephèse
- Belphégor
- Les Filles de Minée
- Le Juge arbitre l’Hospitalier et le Solitaire