L’ Ivrogne et sa Femme (Livre III – Fable 7)

Cette fable – mais n’est-ce pas plutôt un conte (vers 3) ? – est inspirée de « La Femme et l’Ivrogne » d’Esope qui fournit à La Fontaine le canevas complet de son poème. Mais le fabuliste de Château-Thierry a considérablement allégé le texte du Grec. Nous pourrions de manière profitable comparer cette histoire à « La Chatte métamorphosée en Femme » (Livre II, fable 18) dans laquelle le fabuliste fait remarquer que le naturel réapparaît toujours.
Chacun a son défaut, où toujours il revient:
Honte ni peur n’yremédie.        Sur ce propos; d’un conte il me souvient:
Je ne dis rien que je n’appuie
De quelque exemple. Un suppôt de <ahref= »#2″>Bacchus
Altérait sa santé, son esprit et sa bourse.
Telles gens n’ont pas fait la moitié de leur course
Qu’ils sont au bout de leurs écus.
Unjour que celui-ci, plein du jus de la treille,
Avait laissé ses sens au fond d’une bouteille,
Safemme l’enferma dans un certain tombeau.
Là, les vapeurs du vin nouveau
Cuvèrent à loisir. A son réveil il treuve
L’attirail de la mort à l’entour de son corps,
Un luminaire, un drap des morts.
 » Oh! dit-il, qu’est ceci? Ma femme est-elle veuve? »
Là-dessus, son épouse, en habit d’Alecton,
Masquée et de sa voix contrefaisant le ton,
Vient au prétendu mort, approche de sa bière,
Luiprésente un chaudeau propre pour Lucifer.
L’époux alors ne doute en aucune manière
Qu’il ne soit citoyen d’enfer.
 » Quelle personne es-tu? dit-il à ce fantôme.
– La cellerière duroyaume 
DeSatan, reprit-elle; et je porte à manger
A ceux qu’enclôt la tombe noire. »
Le mari repart sans songer
« Tu ne leur portes point à boire?

Chacun a son défaut…: Dans ses » Elégies « , Properce écrivait  » A chaque être,nature a donné son défaut.  » (II, 22, vers17).Bacchus est le dieu romain de la vigne et duvin (Le Dionysos des Grecs). Il était célébré lorsde grandes fêtes, lesBacchanales.

Treuve: Forme de l’époque pour ‘trouve’. Elle estconservée pour la rime.

Alecton: Alecto (La Fontaine emploie la forme francisée du nom)est une des Furies ou Euménides) , c’est-à-dire une destrois déesse de la Vengeance, avec ses soeurs Mégère etTisiphoné). Cette charmante personne avait pour mission depersécuter les coupables de diversdélits.

Un chaudeau: De l’eau chaude destinée à remettre les idées de l’ivrogne en place.

Lucifer: L’ange de Lumière, déchu après sa rébellion contre Dieu.

La cellerière: Une religieusechargée de la garde de la nourriture dans un cellier (qui deviendra lelieu où l’on entrepose boissons et aliments). La cellière tientcompte des recettes (on l’appellerait maintenant « l’économe « ).