L’ Education ( Livre VIII – Fable 24)

L’écrivain grec Plutarque (Chéronée, vers 50 – Chéronée, vers 125), dans ses « Dits notables des Lacédémoniens » raconte l’histoire de Lycurgue, cet orateur et homme politique athénien (vers 390 – vers 324 avant J.-C.) qui aurait dressé des chiens de manières différentes afin de montrer l’effet primordial de l’éducation. La Fontaine s’inspire de cette histoire mais écrit une fable nettement moins pédagogique. Certains y ont même vu le souci de l’auteur de dénoncer la dégénérescence de la noblesse de Louis XIV.

Laridon et César, frères dont l’origine
Venait de chiens fameux, beaux, bien faits et hardis,
A deux maîtres divers échus au temps jadis,
Hantaient, l’un les forêts, et l’autre la cuisine.
Ils avaient eu d’abord chacun un autre nom;
Mais la diverse nourriture
Fortifiant en l’un cette heureuse nature,
En l’autre l’altérant, un certain marmiton
Nomma celui-ci Laridon.
Son frère, ayant couru mainte haute aventure,
Mis maint cerf aux abois, maint sanglier abattu,
Fut le premier César que la gent chienne ait eu.
On eut soin d’empêcher qu’une indigne maîtresse
Ne fît en ses enfants dégénérer son sang.
Laridon négligé témoignait sa tendresse
A l’objet le premier passant.
Il peupla tout de son engeance:
Tournebroches par lui rendus communs en France
Y font un corps à part, gens fuyant les hasards,
Peuple antipode des Césars.On ne suit pas toujours ses aïeux ni son père:
Le peu de soin, le temps, tout fait qu’on dégénère:
Faute de cultiver la nature et ses dons,
Oh! combien de Césars deviendront Laridons!

Hantaient, l’un les forêts…: Le texte de 1678 indiquait, tout comme celui de 1692 « L’un hantait les forêts, et l’autre la cuisine ».

Laridon: Nom crée par La Fontaine sur le mot latin « Laridum » signifiant « lard » et qui, par opposition à la noblesse du nom « César », souligne le côté terre-à-terre du premier personnage.

Tournebroches: On nommait ainsi les chiens dressés à tourner la broche, d’où le vers d’ Edmond Rostand dans la tirade du duel de « Cyrano de Bergerac » « Tiens bien ta broche, Laridon » (« Cyrano de Bergerac », acte I, scène 4) dans lequel Cyrano s’adresse, en se moquant, à son adversaire qu’il compare à ce pauvre chien.

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