Le Renard et les Raisins (Livre III – Fable 11)

Pour cette fable – la plus courte de La Fontaine – l’inspiration est fournie à la fois par l’apologue de même titre d’Esope et par « Le Renard et le Raisin » de Phèdre. Chez ce dernier, la fable est précédée par la maxime Le glorieux méprise ce qu’il ne peut avoir ».
Certain renard gascon, d’autres disent normand,(1)
Mourant presque de faim, vit au haut d’une treille (2)
Des raisins mûrs apparemment (3),
Et couverts d’une peau vermeille.
Le galand (4) en eut fait volontiers un repas;
Mais comme il n’y pouvait point atteindre:
«Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats.(5)»Fit-il pas mieux que de se plaindre?
(1) Il ne s’agit pas, chez La Fontaine, de vouloir à tout prix préciser l’ origine du renard mais bien plutôt de faire allusion à certaines caractéristiques régionales le Normand ne peut s’engager clairement (« P’ être bin qu’oui, p’têt bin qu’non), tandis que le Gascon ne veut pas perdre la face.
(2) L’ensemble des ceps qui grimpent le long d’un treillis, d’un mur,… Cf. « L’Ivrogne et sa Femme » « Un jour que celui-ci, plein du jus de la treille / … » (Livre III, fable 7, vers 9).
(3) Selon toute apparence.
(4) Malin. Je rappelle qu’on écrivait indifféremment « galant » ou « galand » à l’époque.
(5) Valet employé dans l’armée. On le jugeait de goût grossier, voire vulgaire. D’où la signification dans ce poème.