L’ Homme et l’Idole de bois ( Livre IV – Fable 8)

Il est toujours étonnant de voir ce que La Fontaine tire de ses inspirateurs, ici d’une fable assez sèche d’Esope « L’Homme qui a brisé une statue ». L’avocat et académicien français, ami de La Fontaine, Olivier Patru (1604-1681) présentera une adaptation française de l’apologue du Grec (dans les « Lettres à Olinde », 1677). La Fontaine en tirera cette fable qui n’a guère été appréciée par Chamfort « Qu’y a-t-il d’étonnant qu’une idole de bois ne réponde pas à nos vœux, et que, renfermant de l’or, l’or paraisse quand vous brisez la statue ? » (dans « Les trois fabulistes, Esope, Phèdre et La Fontaine », Chamfort, tome 3, p. 237).

Certain païen chez lui gardait un dieu de bois,
De ces dieux qui sont sourds, bien qu’ayant des oreilles.
Le païen cependant s’en promettait merveilles.
Il lui coûtait autant que trois:
Ce n’étaient que voeux et qu’offrandes,
Sacrifices de boeufs couronnés de guirlandes.
Jamais idole, quel qu’il fût,
N’avait eu cuisine si grasse,
Sans que pour tout ce culte à son hôte il échût
Succession, trésor, gain au jeu, nulle grâce.
Bien plus, si pour un sou d’orage en quelque endroit
S’amassait d’une ou d’autre sorte,
L’homme en avait sa part; et sa bourse en souffroit:
La pitance du dieu n’en était pas moins forte.
A la fin, se fâchant de n’en obtenir rien,
Il vous prend un levier, met en pièces l’idole,
Le trouve rempli d’or. «Quand je t’ai fait du bien,
M’as-tu valu, dit-il, seulement une obole?
Va, sors de mon logis, cherche d’autres autels.
Tu ressembles aux naturels
Malheureux, grossiers et stupides;
On n’en peut rien tirer qu’avecque le bâton.
Plus je te remplissais, plus mes mains étaient vides:
J’ai bien fait de changer de ton.»

De ces dieux qui sont lourds...: Il s’agit d’une citation de la Bible, Psaume 115 (113b), verset 5-6 Elles ont une bouche et ne parlent pas, / elles ont des yeux et ne voient pas, / elles ont des oreilles et n’entendent pas, / elles ont un nez et ne sentent pas. ». Mais le psalmiste dira aussi un peu plus loin « Elles ont des oreilles et n’entendent pas, / pas le moindre souffle en leur bouche. »(Psaume 135 (134), verset 17) Extraits tirés de la Bible de Jérusalem).

Quel: Le mot idole pouvait aussi bien être masculin que féminin ; il était neutre en grec.

Un sou d’orage: Une très petite contrariété.

Souffroit: Souffrait. L’orthographe du temps est nécessaire pour la rime.

Naturel est, selon Furetière « substantif, […] se dit de toutes les qualités et propriétés que la nature a mise dans les corps. »

Malheureux: Défavorisés.

Avecque avec ; crée une syllabe supplémentaire pour la versification.