S’agit-il d’une fable de circonstance? Nous vivons à cette époque (vers 1675, date retrouvée dans le recueil de Trallage pour cette fable) la guerre de Hollande et le clergé régulier ne souhaite pas la financer gratuitement par les trois cent mille livres qui lui sont demandés. Ce clergé prétendait que les seuls dons qu’il devait au roi étaient ses prières. Remarquons que le fromage est « de Hollande ».Nous retrouvons un ermite gras et aussi hypocrite que celui-ci dans « Le Chat, la Belette et le petit Lapin » (F. VII, 16).Toujours est-il que la fable du rat est une invention de La Fontaine lui-même.
Les Levantins en leur légende
Disent qu’un certain rat, las des soins d’ici-bas,
Dans un fromage de Hollande
Se retira loin du tracas.
La solitude était profonde,
S’étendant partout à la ronde.
Notre ermite nouveau subsistait là dedans.
Il fit tant, de pieds et de dents,
Qu’en peu de jours il eut au fond de l’ermitage
Le vivre et le couvert; que faut-il davantage?
Il devint gros et gras: Dieu prodigue ses biens
A ceux qui font voeu d’être siens.
Un jour, au dévot personnage,
Des députés du peuple rat
S’en vinrent demander quelque aumone légère:
Ils allaient en terre étrangère
Chercher quelque secours contre le peuple chat;
Ratopolis était bloquée:
On les avait contraints de partir sans argent,
Attendu l’état indigent
De la république attaquée.
Ils demandaient fort peu, certains que le secours
Serait prêt dans quatre ou cinq jours.
« Mes amis, dit le solitaire,
Les choses d’ici-bas ne me regardent plus:
En quoi peut un pauvre reclus
Vous assister? Que peut-il faire
Que de prier le ciel qu’il vous aide en ceci?
J’espère qu’il aura de vous quelque souci.»
Ayant parlé de la sorte,
Le nouveau saint ferma sa porte.Que désignai-je, à votre avis,
Par ce rat si peu secourable?
Un moine? Non, mais un dervis :
Je suppose qu’un moine est toujours charitable.
Disent qu’un certain rat, las des soins d’ici-bas,
Dans un fromage de Hollande
Se retira loin du tracas.
La solitude était profonde,
S’étendant partout à la ronde.
Notre ermite nouveau subsistait là dedans.
Il fit tant, de pieds et de dents,
Qu’en peu de jours il eut au fond de l’ermitage
Le vivre et le couvert; que faut-il davantage?
Il devint gros et gras: Dieu prodigue ses biens
A ceux qui font voeu d’être siens.
Un jour, au dévot personnage,
Des députés du peuple rat
S’en vinrent demander quelque aumone légère:
Ils allaient en terre étrangère
Chercher quelque secours contre le peuple chat;
Ratopolis était bloquée:
On les avait contraints de partir sans argent,
Attendu l’état indigent
De la république attaquée.
Ils demandaient fort peu, certains que le secours
Serait prêt dans quatre ou cinq jours.
« Mes amis, dit le solitaire,
Les choses d’ici-bas ne me regardent plus:
En quoi peut un pauvre reclus
Vous assister? Que peut-il faire
Que de prier le ciel qu’il vous aide en ceci?
J’espère qu’il aura de vous quelque souci.»
Ayant parlé de la sorte,
Le nouveau saint ferma sa porte.Que désignai-je, à votre avis,
Par ce rat si peu secourable?
Un moine? Non, mais un dervis :
Je suppose qu’un moine est toujours charitable.