Parole de Socrate (Livre IV – Fable 17)

Le Maître de Sacy a traduit « Paroles de Socrate » de Phèdre. Ce dernier terminait sa fable d’une manière semblable à celle de La Fontaine « Où trouvera-t-on un ami fidèle ? ». Le thème était à la mode puisque La Rochefoucauld dans ses «Maximes» (plus spécialement dans la maxime LXXXIII (*) vient d’en dénoncer les succédanés. Et l’on pourrait citer La Bruyère, Madame de Sévigné et bien d’autres.
(*) « Ce que les hommes ont nommé amitié n’est qu’une société, un ménagement réciproque d’intérêts, et qu’un échange de bons offices ; ce n’est enfin qu’ un commerce où l’amour-propre se propose toujours quelque chose à gagner. » Le même auteur écrira « Si on juge de l’amour par la plupart de ses effets, il ressemble plus à la haine qu’à l’amitié ».

Socrate un jour faisant bâtir,
Chacun censurait son ouvrage:
L’un trouvait les dedans, pour ne lui point mentir,
Indignes d’un tel personnage;
L’autre blâmait la face , et tous étaient d’avis
Que les appartements   en étaient trop petits.
Quelle maison pour lui! L’on y tournait à peine :
«Plût au ciel que de vrais amis,
Telle qu’elle est, dit-il, elle pût être pleine! »Le bon Socrate avait raison
De trouver pour ceux-là trop grande sa maison.
Chacun se dit ami; mais fol qui s’y repose:
Rien n’est plus commun que ce nom,
Rien n’est plus rare que la chose.

Censurait: Critiquait

La face: La façade.

Les appartements: Les pièces qui composent son habitation.

L’on y tournait à peine:  On à peine y tourner sur soi-même, s’y retourner.

Telle qu’elle est…: Plût au ciel qu’elle puisse, ainsi faite, être pleine de véritables amis.

Fol qui s’y repose: Fais confiance à cette déclaration.