Le Lion s’en allant en guerre (Livre V – Fable 19)

Cette fois, c’est l’humaniste italien du XVe siècle Lorenzio Bevilacque dit Abstémius qui inspira La Fontaine. En effet, dans son recueil de cent fables latines, l’ « Hecamythion », nous retrouvons une pièce intitulée « L’Ane joueur de trompette et le Lièvre estafette » qui traite d’un thème combien actuel : le départ en campagne des armées du roi Soleil, Louis XIV.

Le lion dans sa tête avait une entreprise :
Il tint conseil de guerre, envoya ses prévôts,
Fit avertir les animaux.
Tous furent du dessein, chacun selon sa guise :
L’éléphant devait sur son dos
Porter l’attirail nécessaire,
Et combattre à son ordinaire;
L’ours, s’apprêter pour les assauts;
Le renard, ménager de secrètes pratiques;
Et le singe, amuser l’ennemi par ses tours.
« Renvoyez, dit quelqu’un, les ânes, qui sont lourds,
Et les lièvres, sujets à des terreurs paniques.
– Point du tout, dit le roi; je les veux employer :
Notre troupe sans eux ne serait pas complète.
L’âne effraiera les gens, nous servant de trompette;
Et le lièvre pourra nous servir de courrier. »Le monarque prudent et sage
De ses moindres sujets sait tirer quelque usage,
Et connaît les divers talents.
Il n’est rien d’inutile aux personnes de sens.

Une entreprise: Un projet (celui de partir en guerre).

Prévôts: Magistrats représentant le roi et dont la fonction reste vague.

Tous furent du dessein: Tous prirent leur part de responsabilité.

Selon sa guise: A sa manière.

Nous servant de trompette: Voir dans « L’Ane chassant ».

Les personnes de sens: Sensées.