Le Loup et la Cigogne ( Livre III – Fable 9)

La suite de la saga du loup a été inspirée à La Fontaine par un apologue d’ Esope « Le Loup et le Héron » qui a été ensuite repris par Phèdre. Chez ce dernier, la fable était précédée de la maxime « Il est dangereux d’ assister aux méchants ». Le poète castelthéodoricien a pu avoir connaissance des deux versions précédentes.

           Les loups mangent gloutonnement.
Un loup donc étant de frairie
Se pressa, dit-on, tellement
Qu’il en pensa perdre la vie.
Un os lui demeura bien avant au gosier. 
De bonheur pour ce loup, qui ne pouvait crier, 
Près de là passe une cigogne.
Il lui fait signe; elle accourt.
Voilà l’opératrice aussitôt en besogne. 
Elle retira l’os; puis, pour un si bon tour,
Elle demanda son salaire.
«Votre salaire? dit le loup:
Vous riez, ma bonne commère!
Quoi! Ce n’est pas encor beaucoup
D’avoir de mon gosier retiré votre cou?
Allez, vous êtes une ingrate;
Ne tombez jamais sous ma patte.»

Frairie: Sorte de banquet réunissant les membres d’une même confrérie. Selon Furetière, il s’agit d’un divertissement, partie de plaisir.

Au: Dans le.

De bonheur: Par bonheur.

L’opératrice: Marc Fumarolli nous dit que « l’opérateur était un charlatan se donnant à la fois pour pharmacien, médecin et rebouteux. » (« La Fontaine – Fables » ; Le Livre de Poche ; Classiques modernes ; La Pochothèque ; édition de Marc Fumaroli ; 1997, p. 840). Le terme, féminin de railleur, est ironique.