Inspirée de la fable d’Esope: “Le Mari et la Femme acariâtre”.
La Fontaine se considérait lui-même comme un mal aimé. On sait combien sa vie sentimentale fut tumultueuse. Ainsi n’hésite-t-il pas à écrire à sa femme, Marie Héricart (de laquelle il se séparera après peu d’années de mariage): “Si je trouve quelqu’un de ces chaperons [La Fontaine parle des belles Limousines] qui couvre une jolie tête, je pourrai m’y amuser en passant, et par curiosité seulement. (La Fontaine: “Lettres à sa femme”). Il faut dire que Marie est peu assidue à son foyer et un rien volage. Furetière note méchamment que “La Fontaine portait un front chargé de hautes futaies”. Le fabuliste écriradans “Joconde”: “Je fus forcé par mon destin / De reconnaître cocuage / Pour un des dieux du mariage”. Dans “La Coupe enchantée”, il écrira aussi “Cocuage n‘est point un mal!” Si son épouse le trompe, le poète le lui rend bien. Tallemant note qu’une abbesse vint loger chez La Fontaine “et sa femme un jour les surprit. Il ne fit que rengainer, lui faire la révérence et s’en aller”. Le fabuliste est donc “amoureux où il peut”. A la fin de son conte, “Les aveux indiscrets”, il écrira: “Le nœeud d’hymen doit être respecté, / Veut de la foi, veut de l’honnêteté /… / Je donne ici de beaux conseils dans doute: / Les ai-je pris pour moi-même? Hélas! non…”. Clairvoyant, il reviendra sur le sujet dans son discours à Madame de la Sablière”: “Mais quoi, je suis volage en vers comme en amour”.
Pour revenir à la fable, voici la morale qu’en tire Esope dans sa version: “La fable enseigne
Que souvent ainsi ce sont les petites choses qui font connaître les grandes, et les choses visibles, les choses cachées”.
La Fontaine se considérait lui-même comme un mal aimé. On sait combien sa vie sentimentale fut tumultueuse. Ainsi n’hésite-t-il pas à écrire à sa femme, Marie Héricart (de laquelle il se séparera après peu d’années de mariage): “Si je trouve quelqu’un de ces chaperons [La Fontaine parle des belles Limousines] qui couvre une jolie tête, je pourrai m’y amuser en passant, et par curiosité seulement. (La Fontaine: “Lettres à sa femme”). Il faut dire que Marie est peu assidue à son foyer et un rien volage. Furetière note méchamment que “La Fontaine portait un front chargé de hautes futaies”. Le fabuliste écriradans “Joconde”: “Je fus forcé par mon destin / De reconnaître cocuage / Pour un des dieux du mariage”. Dans “La Coupe enchantée”, il écrira aussi “Cocuage n‘est point un mal!” Si son épouse le trompe, le poète le lui rend bien. Tallemant note qu’une abbesse vint loger chez La Fontaine “et sa femme un jour les surprit. Il ne fit que rengainer, lui faire la révérence et s’en aller”. Le fabuliste est donc “amoureux où il peut”. A la fin de son conte, “Les aveux indiscrets”, il écrira: “Le nœeud d’hymen doit être respecté, / Veut de la foi, veut de l’honnêteté /… / Je donne ici de beaux conseils dans doute: / Les ai-je pris pour moi-même? Hélas! non…”. Clairvoyant, il reviendra sur le sujet dans son discours à Madame de la Sablière”: “Mais quoi, je suis volage en vers comme en amour”.
Pour revenir à la fable, voici la morale qu’en tire Esope dans sa version: “La fable enseigne
Que souvent ainsi ce sont les petites choses qui font connaître les grandes, et les choses visibles, les choses cachées”.
Que le bon soit toujours camarade du beau,
Dès demain je chercherai femme ;
Mais comme le divorce entre eux n’est pas nouveau,
Et que peu de beaux corps, hôtes d’une belle âme,
Assemblent l’un et l’autre point,
Ne trouvez pas mauvais que je ne cherche point.
J’ai vu beaucoup d’hymens; aucuns d’eux ne me tentent:
Cependant des humains presque les quatre parts
S’exposent hardiment au plus grand des hasards;
Les quatre parts aussi des humains se repentent.
J’en vais alléguer un qui, s’étant repenti,
Ne put trouver d’autre parti
Que de renvoyer son épouse,
Querelleuse, avare, et jalouse.
Rien ne la contentait, rien n’était comme il faut:
On se levait trop tard, on se couchait trop tôt;
Puis du blanc, puis du noir, puis encore autre chose.
Les valets enrageaient, l’époux était à bout:
«Monsieur ne songe à rien, Monsieur dépense tout,
Monsieur court, Monsieur se repose.»
Elle en dit tant, que Monsieur, à la fin,
Lassé d’entendre un tel lutin,
Vous la renvoie à la campagne
Chez ses parents. La voilà donc compagne
De certains Philis qui gardent les dindons
Avec les gardeurs de cochons.
Au bout de quelque temps qu’on la crut adoucie,
Le mari la reprend. «Eh bien! qu’avez-vous fait?
Comment passiez-vous votre vie?
L’innocence des champs est-elle votre fait?
– Assez, dit-elle; mais ma peine
Etait de voir les gens plus paresseux qu’ici:
Ils n’ont des troupeaux nul souci.
Je leur savais bien dire, et m’attirais la haine
De tous ces gens si peu soigneux.
– Eh! Madame, reprit son époux tout à l’heure,
Si votre esprit est si hargneux,
Que le monde qui ne demeure
Qu’un moment avec vous et ne revient qu’au soir,
Est déjà lassé de vous voir,
Que feront des valets qui toute la journée
Vous verront contre eux déchaînée?
Et que pourra faire un époux
Que vous voulez qui soit jour et nuit avec vous?
Retournez au village: adieu. Si de ma vie,
Je vous rappelle, et qu’il m’en prenne envie,
Puissé-je chez les morts avoir pour mes pêchés
Deux femmes comme vous sans cesse à mes côtés!»
Dès demain je chercherai femme ;
Mais comme le divorce entre eux n’est pas nouveau,
Et que peu de beaux corps, hôtes d’une belle âme,
Assemblent l’un et l’autre point,
Ne trouvez pas mauvais que je ne cherche point.
J’ai vu beaucoup d’hymens; aucuns d’eux ne me tentent:
Cependant des humains presque les quatre parts
S’exposent hardiment au plus grand des hasards;
Les quatre parts aussi des humains se repentent.
J’en vais alléguer un qui, s’étant repenti,
Ne put trouver d’autre parti
Que de renvoyer son épouse,
Querelleuse, avare, et jalouse.
Rien ne la contentait, rien n’était comme il faut:
On se levait trop tard, on se couchait trop tôt;
Puis du blanc, puis du noir, puis encore autre chose.
Les valets enrageaient, l’époux était à bout:
«Monsieur ne songe à rien, Monsieur dépense tout,
Monsieur court, Monsieur se repose.»
Elle en dit tant, que Monsieur, à la fin,
Lassé d’entendre un tel lutin,
Vous la renvoie à la campagne
Chez ses parents. La voilà donc compagne
De certains Philis qui gardent les dindons
Avec les gardeurs de cochons.
Au bout de quelque temps qu’on la crut adoucie,
Le mari la reprend. «Eh bien! qu’avez-vous fait?
Comment passiez-vous votre vie?
L’innocence des champs est-elle votre fait?
– Assez, dit-elle; mais ma peine
Etait de voir les gens plus paresseux qu’ici:
Ils n’ont des troupeaux nul souci.
Je leur savais bien dire, et m’attirais la haine
De tous ces gens si peu soigneux.
– Eh! Madame, reprit son époux tout à l’heure,
Si votre esprit est si hargneux,
Que le monde qui ne demeure
Qu’un moment avec vous et ne revient qu’au soir,
Est déjà lassé de vous voir,
Que feront des valets qui toute la journée
Vous verront contre eux déchaînée?
Et que pourra faire un époux
Que vous voulez qui soit jour et nuit avec vous?
Retournez au village: adieu. Si de ma vie,
Je vous rappelle, et qu’il m’en prenne envie,
Puissé-je chez les morts avoir pour mes pêchés
Deux femmes comme vous sans cesse à mes côtés!»
Je: Comme le montre l’introduction, le “je” ne présente rien de personnel.
Aucuns: Pouvait être pluriel au temps de La Fontaine.
Alléguer: Présenter en qualité de preuve.
Lutin: petit personnage imaginaire particulièrement remuant.
Tout à l’heure: Sur le champ.