Dans son introduction au présent livre, La Fontaine nous fait savoir qu’il a étendu ses recherches à d’autres inspirateurs que Esope. Il nous parle de ses lectures orientales. Cette fable me semble bien être née d’une telle inspiration. Peut-être La Fontaine en a-t-il reçu le récit de Sindbad de voyageurs. Une explication plausible de préciser que François Bernier, ami du fabuliste, venait de passer douze ans en Asie Centrale (notre actuelle Mongolie). Ce grand voyageur a contribué à nous faire connaître l’Inde (appelée alors Mogol). Certains auteurs cependant émettent l’hypothèse que cette fable trouverait son inspiration dans les fabliaux du folklore médiéval.
Il est au Mogol des follets (1)
Qui font office de valets,
Tiennent la maison propre, ont soin de l’équipage,
Et quelquefois du jardinage.
Si vous touchez à leur ouvrage,
Vous gâtez tout. Un d’eux près du Gange autrefois
Cultivait le jardin d’un assez bon bourgeois.
Il travaillait sans bruit, avec beaucoup d’adresse,
Aimait le maître et la maîtresse,
Et le jardin surtout. Dieu sait si les zéphirs,
Peuple ami du démon, l’assistaient dans sa tâche!
Le follet, de sa part, travaillant sans relâche,
Comblait ses hôtes de plaisirs.
Pour plus de marques de son zèle,
Chez ces gens pour toujours il se fût arrêté,
Nonobstant la légèreté
A ses pareils si naturelle;
Mais ses confrères les esprits
Firent tant que le chef de cette république,
Par caprice ou par politique,
Le changea bientôt de logis.
Ordre lui vient d’aller au fond de la Norvège
Prendre le soin d’une maison
En tout temps couverte de neige;
Et d’Indou qu’il était on vous le fait Lapon.
Avant que de partir, l’esprit dit à ses hôtes:
«On m’oblige de vous quitter:
Je ne sais pas pour quelles fautes;
Mais enfin il le faut. Je ne puis arrêter
Qu’un temps fort court, un mois, peut-être une semaine.
Employez la; formez trois souhaits, car je puis
Rendre trois souhaits accomplis,
Trois sans plus.» Souhaiter, ce n’est pas une peine
Etrange et nouvelle aux humains.
Ceux-ci, pour premier voeu, demandent l’abondance;
Et l’Abondance, à pleines mains,
Verse en leurs coffres la finance,
En leurs greniers le blé, dans leurs caves les vins:
Tout en crève. Comment ranger cette chevance?
Quels registres, quels soins, quel temps il leur fallut!
Tous deux sont empêchés si jamais on le fut.
Les voleurs contre eux complotèrent;
Les grands seigneurs les empruntèrent,
Le prince les taxa. Voilà les pauvres gens
Malheureux par trop de fortune.
«Ôtez-nous de ces biens l’affluence importune,
Dirent-ils l’un et l’autre: heureux les indigents!
La pauvreté vaut mieux qu’une telle richesse.
Retirez-vous, trésors, fuyez; et toi, déesse,
Mère du bon esprit, compagne du repos,
Ô Médiocrité, reviens vite.» A ces mots
La Médiocrité revient; on lui fait la place;
Avec elle ils rentrent en grâce,
Au bout de deux souhaits étant aussi chanceux
Qu’ils étaient et que sont tous ceux
Qui souhaitent toujours et perdent en chimères
Le temps qu’ils feraient mieux de mettre à leurs affaires:
Le follet en rit avec eux.
Pour profiter de sa largesse,
Quand il voulut partir et qu’il fut sur le point,
Ils demandèrent la sagesse:
C’est un trésor qui n’embarrasse point.
Qui font office de valets,
Tiennent la maison propre, ont soin de l’équipage,
Et quelquefois du jardinage.
Si vous touchez à leur ouvrage,
Vous gâtez tout. Un d’eux près du Gange autrefois
Cultivait le jardin d’un assez bon bourgeois.
Il travaillait sans bruit, avec beaucoup d’adresse,
Aimait le maître et la maîtresse,
Et le jardin surtout. Dieu sait si les zéphirs,
Peuple ami du démon, l’assistaient dans sa tâche!
Le follet, de sa part, travaillant sans relâche,
Comblait ses hôtes de plaisirs.
Pour plus de marques de son zèle,
Chez ces gens pour toujours il se fût arrêté,
Nonobstant la légèreté
A ses pareils si naturelle;
Mais ses confrères les esprits
Firent tant que le chef de cette république,
Par caprice ou par politique,
Le changea bientôt de logis.
Ordre lui vient d’aller au fond de la Norvège
Prendre le soin d’une maison
En tout temps couverte de neige;
Et d’Indou qu’il était on vous le fait Lapon.
Avant que de partir, l’esprit dit à ses hôtes:
«On m’oblige de vous quitter:
Je ne sais pas pour quelles fautes;
Mais enfin il le faut. Je ne puis arrêter
Qu’un temps fort court, un mois, peut-être une semaine.
Employez la; formez trois souhaits, car je puis
Rendre trois souhaits accomplis,
Trois sans plus.» Souhaiter, ce n’est pas une peine
Etrange et nouvelle aux humains.
Ceux-ci, pour premier voeu, demandent l’abondance;
Et l’Abondance, à pleines mains,
Verse en leurs coffres la finance,
En leurs greniers le blé, dans leurs caves les vins:
Tout en crève. Comment ranger cette chevance?
Quels registres, quels soins, quel temps il leur fallut!
Tous deux sont empêchés si jamais on le fut.
Les voleurs contre eux complotèrent;
Les grands seigneurs les empruntèrent,
Le prince les taxa. Voilà les pauvres gens
Malheureux par trop de fortune.
«Ôtez-nous de ces biens l’affluence importune,
Dirent-ils l’un et l’autre: heureux les indigents!
La pauvreté vaut mieux qu’une telle richesse.
Retirez-vous, trésors, fuyez; et toi, déesse,
Mère du bon esprit, compagne du repos,
Ô Médiocrité, reviens vite.» A ces mots
La Médiocrité revient; on lui fait la place;
Avec elle ils rentrent en grâce,
Au bout de deux souhaits étant aussi chanceux
Qu’ils étaient et que sont tous ceux
Qui souhaitent toujours et perdent en chimères
Le temps qu’ils feraient mieux de mettre à leurs affaires:
Le follet en rit avec eux.
Pour profiter de sa largesse,
Quand il voulut partir et qu’il fut sur le point,
Ils demandèrent la sagesse:
C’est un trésor qui n’embarrasse point.