Le Lion abattu par l’Homme ( Livre III – Fable 10)

La Fontaine a pris texte chez Esope (« L’homme et le Lion voyageant de compagnie »). Mais le poète français a complètement remanié le texte. Marc Fumaroli note que le fabuliste a remplacé la sculpture par la peinture qui rayonnait de tout son éclat à l’époque où la fable a été écrite. En effet, le peintre Charles Lebrun, premier peintre du roi et chancelier de l’ Académie de Peinture, redonne à celle-ci un lustre largement national. La fable reprend un thème de l’ « Art poétique » de Horace, une réflexion sur l’ art « Mais, direz-vous, peintres et poètes ont toujours eu le droit de tout oser – Je le sais ; c’est un droit que nous réclamons pour nous et accordons aux autres. Il ne va pourtant pas jusqu’à permettre l’alliance de la douceur et de la brutalité, l’association des serpents et des oiseaux, des tigres et des moutons.»

           On exposait une peinture
Où l’artisan avait tracé
Un lion d’immense stature
Par un seul homme terrassé.
Les regardants en tiraient gloire. 
Un lion, en passant rabattit leur caquet.
«Je vois bien, dit-il, qu’en effet
On vous donne ici la victoire:
Mais l’ouvrier vous a déçus:
Il avait la liberté de feindre
Avec plus de raison nous aurions le dessus,
Si mes confrères savaient peindre.»

L’artisan: Celui qui pratique un des arts libéraux. Artiste

Les regardants: ceux qui regardent, les spectateurs

L’ouvrier: auteur, créateur.

Déçus: trompés

Il avait la liberté de feindre: il était libre de peindre ce qu’il voulait, et de montrer ce qu’il avait décidé de montrer, même si ce n’était pas la vérité.