Le Lion devenu vieux ( Livre III – Fable 14)

Phèdre a écrit un des premiers et nombreux textes reprenant la thème des injures prodiguée à l’ennemi décadent (« Le lion languissant de vieillesse »). Il y adjoindra la maxime « Les malheureux sont méprisés des plus lâches ». Parmi les autres auteurs ayant traité la sujet, citons Du Bellay ainsi que Ménage. Mais La Fontaine sera le premier à faire apparaître le cheval, le loup et le bœuf, en place du sanglier et du taureau.
Le lion, terreur des forêts,
Chargé d’ans et pleurant son antique prouesse
Fut enfin attaqué par ses propres sujets,
Devenus forts par sa faiblesse.
Le cheval s’approchant lui donne un coup de pied;
Le loup, un coup de dent; le boeuf, un coup de corne.
Le malheureux lion, languissant, triste, et morne,
Peut à peine rugir, par l’âge estropié.
Il attend son destin, sans faire aucunes plaintes, 
Quand voyant l’âne même à son antre accourir:
«Ah! c’est trop, lui dit-il; je voulais bien mourir;
Mais c’est mourir deux fois que souffrir tes atteintes.»

Le Lion devenu vieux: Titre du manuscrit de Conrart « Le Lion accablé de vieillesse ».

Prouesse: Courage, vaillance. Mot déjà vieilli à l’époque de La Fontaine.

Estropié:  Dans un état de grande infirmité.

Aucunes: S’employait fréquemment au pluriel dans le cas de négations restreintes.

A son antre accourir: Variante du ms de Conrart « au combat accourir ».