Le Geai paré des plumes du Paon (Livre IV – Fable 9)

Phèdre (I, 3) est l’auteur qui a le plus inspiré La Fontaine pour cette fable. La maxime du latin était, dans cet apologue « Ne t’élève pas au-dessus de ta condition ». Le fabuliste français a aussi pris texte chez Esope (« Le Choucas et les Oiseaux », mais aussi « Le Choucas et les Corbeaux » ou encore « Le Choucas et les Pigeons »). N’oublions pas non plus Horace lorsqu’il écrit « Je lui ai dit, je ne me lasserai pas de le lui répéter, qu’il doit se contenter de son bien et éviter d’emprunter aux œuvres de la bibliothèque palatine. Sinon, le jour où les oiseaux viendront redemander leurs plumes, la corneille, dépouillée de son plumage d’emprunt, prêtera à rire à tout le monde… » (« Epîtres », I, 3). Ce texte s’applique aux plagiaires, bien entendu. Certains ont vu, dans le geai, Colbert, paré de la magnificence et des mérites de Fouquet. La Fontaine parlera une nouvelle fois des plagiaires dans « Le Singe » . Dans cette dernière fable, il emploiera un tout autre ton
    Un paon muait: un geai prit son plumage;
Puis après se l’accommoda;
Puis parmi d’autres paons tout fier se panada,
Croyant être un beau personnage.
Quelqu’un le reconnut: il se vit bafoué,
Berné, sifflé, moqué, joué,
Et par messieurs les paons plumé d’étrange sorte;
Même vers ses pareils s’étant réfugié,
Il fut par eux mis à la porte.Il est assez de geais à deux pieds comme lui,
Qui se parent souvent des dépouilles d’autrui,
Et que l’on nomme plagiaires.
Je m’en tais, et ne veux leur causer nul ennui:
Ce ne sont pas là mes affaires.

Se l’accommoda:  Le fit sien.

Se panada: Se pavana, marcha comme un paon. Nous retrouvons le terme dans « Le Paon se plaignant à Junon » (vers 14, 15) « Qui te panades, qui déploie / Une si riche queue, […] ».

Berné: Désigne initialement le jeu ou la brimade qui consiste à faire sauter quelqu’un dans une couverture tenue aux quatre coins (de l’ancien français ‘brener’ qui signifie vanner le blé’).

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