Mme de Sévigné écrivait à Mme de Grignan « Voilà une petite fable de La Fontaine, qu’il a faite sur l’aventure du curé de M. de Boufflers, qui fut tué tout roide en carrosse auprès de lui ». Nous trouvons encore »M. de Boufflers a tué un homme après sa mort. Il était dans sa bière et en carrosse. On le menait à une lieue de Boufflers pour l’enterrer; son curé était avec le corps. On verse. La bière coupe le cou au pauvre curé. » (cité dans « La Fontaine – Fables » – présentées par Alain-Marie Bassy, bibliographie et notes par Yves Le Pestipon, GF-Flammarion, 1995, p. 452). A ce fait divers, La Fontaine ajoute des « traits familiers » et des détails typiques.
Un mort s’en allait tristement
S’emparer de son dernier gîte;
Un curé s’en allait gaiement
Enterrer ce mort au plus vite.
Notre défunt était en carrosse porté,
Bien et dûment empaqueté,
Et vêtu d’une robe, hélas! qu’on nomme bière,
Robe d’hiver, robe d’été,
Que les morts ne dépouillent guère.
Le pasteur était à côté,
Et récitait, à l’ordinaire,
Maintes dévotes oraisons,
Et des psaumes et des leçons,
Et des versets et des répons:
«Monsieur le Mort, laissez-nous faire,
On vous en donnera de toutes les façons;
Il ne s’agit que du salaire.»
Messire Jean Chouart couvait des yeux son mort,
Comme si l’on eût dû lui ravir ce trésor,
Et des regards semblait lui dire:
« Monsieur le Mort, j’aurai de vous
Tant en argent et tant en cire,
Et tant en autres menus coûts.»
Il fondait là-dessus l’achat d‘une feuillette
Du meilleur vin des environs;
Certaine nièce assez popette
Et sa chambrière Pâquette
Devaient avoir des cotillons.
Sur cette agréable pensée,
Un heurt survient: adieu le char.
Voilà Messire Jean Chouart
Qui du choc de son mort a la tête cassée:
Le paroissien en plomb entraîne son pasteur;
Notre curé suit son seigneur
Tous deux s’en vont de compagnie.Proprement toute notre vie
Est le curé Chouart qui sur son mort comptait,
Et la fable du Pot au Lait.
S’emparer de son dernier gîte;
Un curé s’en allait gaiement
Enterrer ce mort au plus vite.
Notre défunt était en carrosse porté,
Bien et dûment empaqueté,
Et vêtu d’une robe, hélas! qu’on nomme bière,
Robe d’hiver, robe d’été,
Que les morts ne dépouillent guère.
Le pasteur était à côté,
Et récitait, à l’ordinaire,
Maintes dévotes oraisons,
Et des psaumes et des leçons,
Et des versets et des répons:
«Monsieur le Mort, laissez-nous faire,
On vous en donnera de toutes les façons;
Il ne s’agit que du salaire.»
Messire Jean Chouart couvait des yeux son mort,
Comme si l’on eût dû lui ravir ce trésor,
Et des regards semblait lui dire:
« Monsieur le Mort, j’aurai de vous
Tant en argent et tant en cire,
Et tant en autres menus coûts.»
Il fondait là-dessus l’achat d‘une feuillette
Du meilleur vin des environs;
Certaine nièce assez popette
Et sa chambrière Pâquette
Devaient avoir des cotillons.
Sur cette agréable pensée,
Un heurt survient: adieu le char.
Voilà Messire Jean Chouart
Qui du choc de son mort a la tête cassée:
Le paroissien en plomb entraîne son pasteur;
Notre curé suit son seigneur
Tous deux s’en vont de compagnie.Proprement toute notre vie
Est le curé Chouart qui sur son mort comptait,
Et la fable du Pot au Lait.
Des leçons: Courtes prières.
Messire Jean Chouart: Une autre façon de nommer le pénis chez Rabelais (« Pantagruel », XXI « Tenez, voici Messire Jean Chouart qui demande logis » et le « Quart Livre », LII) . Le curé pense spécialement à Pâquerette (voir plus bas).
Une feuillette: une fillette, c’est-à-dire une carafe.
Popette : »proprette » en langage familier.
Le paroissien en plomb: Dans un cercueil de plomb.