Le Soleil et les Grenouilles. ( Livre VI – Fable 12)

Fable inspirée d’Esope (elle sera reprise par Phèdre). Certains verront dans le soleil, Louis XIV et dans les grenouilles, les habitants des Pays-Bas au sol particulièrement humide à l’époque.
Une autre fable portera le même titre. Cette dernière n’a pas été reprise par La Fontaine dans ses recueils. Elle a été publiée à part en 1672 et reproduite par P. Bouhours en 1693. Elle réapparaîtra en 1696 dans les Ouvres posthumes ».

Aux noces d’un tyran tout le peuple en liesse
Noyait son souci dans les pots.
Ésope seul trouvait que les gens étaient sots
De témoigner tant d’allégresse.Le Soleil, disait-il, eut dessein autrefois
De songer à l’hyménée.
Aussitôt on ouït, d’une commune voix,
Se plaindre de leur destinée
Les citoyennes des étangs.
«Que ferons-nous, s’il lui vient des enfants?
Dirent-elles au Sort: un seul Soleil à peine
Se peut souffrir. Une demi-douzaine
Mettra la mer à sec et tous ses habitants.
Adieu joncs et marais : notre race est détruite;
Bientôt on la verra réduite
A l’eau du Styx. » Pour un pauvre animal,
Grenouilles, à mon sens, ne raisonnaient pas mal.

A l’époque, le terme « tyran » ne possédait pas de connotation négative ou péjorative.

Souffrir: supporter

Styx: Mythologie grecque. Le plus grand des fleuves des Enfers dont les eaux rendaient invulnérable. Il entourait de ses eaux marécageuses le royaume des morts.

Morale: Voyez avec quelle psychologie, une telle sentence est énoncée !