Les Morales, Maximes et Phrases marquantes des Fables

Apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute
Le Corbeau et le Renard(I,2)
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs
Tout prince a des ambassadeurs,
tout marquis veut avoir des pages.
La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le Boeuf (I,3)

On se voit d’un autre oeil qu’on ne voit son prochain
La Besace (I,7)

Nous n’écoutons d’instincts que ceux qui sont les nôtres,
Et ne croyons le mal que quand il est venu
L’Hirondelle et les petits Oiseaux (I,8)

La raison du plus fort est toujours la meilleure
Le Loup et l’Agneau (I,10)

Le trépas vient tout guérir;
Mais ne bougeons d’où nous sommes:
Plutôt souffrir que mourir,
C’est la devise des hommes.
La Mort et le Bûcheron (I,16)

A l’oeuvre on connait l’artisan
Les Frelons et les Mouches à Miel (I,21)

Les délicats sont malheureux
Rien ne saurait les satisfaire.
Contre ceux qui ont le goût difficile.(II,1)

On voit que de tout temps
Les petits ont pâti des sottises des grands.
Les deux Taureaux et une Grenouille.(II,4)

Plusieurs se sont trouvés qui, d’écharpe changeants,
Aux dangers ainsi qu’elle, ont souvent fait la figue.
Le sage dit, selon les gens,
« Vive le roi! vive la ligue! »
La Chauve-Souris et les deux Belettes (II,5)

Ce qu’on donne aux méchants, toujours on le regrette.
Pour tirer d’eux ce qu’on leur prête,
Il faut que l’on en vienne aux coups;
Il faut plaider, il faut combattre.
Laissez-leur un pied chez vous,
Ils en auront bientôt pris quatre.
La Lice et sa compagne (II,7)

Quelle chose par là nous peut être enseignée?
J’en vois deux dont l’une est qu’entre nos ennemis
Les plus à craindre sont souvent les plus petits;
L’autre, qu’aux grands périls tel a pu se soustraire,
Qui périt pour la moindre affaire.
Le Lion et le Moucheron (II,9)

Il faut, autant qu’on peut obliger tout le monde
On a souvent besoin d’un plus petit que soi
Le Lion et le Rat (II,11)

Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage
Le Lion et le Rat (II,11)

Il n’est, je le vois bien, si poltron sur la terre
Qui ne puisse trouver un plus poltron que soi.
Le Lièvre et les Grenouilles (II,14)

C’est double plaisir de tromper le trompeu
rLe Coq et le Renard (II,15)

Il faut se mesurer; la conséquence est nette:
Mal prend aux volereaux de faire les voleurs.
L’exemple est un dangereux leurre:
Tous les mangeurs de gens ne sont pas grands seigneurs;
Où la guêpe a passé, le moucheron demeure.
Le Corbeau voulant imiter l’Aigle (II,16)

Quant à vous, suivez Mars, ou l’Amour, ou le Prince;
Allez, venez, courez; demeurez en province;
Prenez femme, abbaye, emploi, gouvernement:
Les gens en parleront, n’en doutez nullement. »
Le Meunier son fils et l’Ane (III,1)

En toute chose il faut considérer la fin
Le Renard et le Bouc (III,5)

Nous pouvons conclure de là
Qu’il faut faire aux méchants guerre continuelle.
La paix est fort bonne de soi;
J’en conviens; mais de quoi sert-elle
Avec des ennemis sans foi?
Le Loup et les Brebis (III,13)

L’expression « Le coup de pied de l’Âne » vient de la fable
Le Lion devenu vieux (III,14)

La Méfiance est mère de la sûreté
Le Chat et un vieux Rat (III,18)

Amour, Amour, quand tu nous tins,
On peut bien dire: « Adieu prudence »
Le Lion amoureux (IV,1)

Petits princes, videz vos débats entre vous;
De recourir aux rois vous seriez de grands fous.
Il ne les faut jamais engager dans vos guerres,
Ni les faire entrer sur vos terres.
Le Jardinier et son Seigneur (IV,4)

Ne forçons point notre talent,
Nous ne ferions rien avec grâce:
Jamais un lourdaud, quoi qu’il fasse,
Ne saurait passer pour galant.
L’Âne et le petit Chien (IV,5)

Une tête empanachée
N’est pas petit embarras.
Le trop superbe équipage
Peut souvent en un passage
Causer du retardement.
Les petits, en toute affaire,
Esquivent fort aisément:
Les grands ne le peuvent faire
Le combat des Rats et des Belettes (IV,6)

De telles gens il est beaucoup
Qui prendraient Vaugirard pour Rome,
Et qui, caquetants au plus dru,
Parlent de tout et n’ont rien vu.
Le Singe et le Dauphin (IV,7)

Malheureux, grossiers et stupides;
On n’en peut rien tirer avecque le bâton.
Plus je te remplissais, plus mes mains étaient vides:
J’ai bien fait de changer de ton.
L’Homme et l’Idole de bois (IV,8)

La ruse la mieux ourdie
Peut nuire à son inventeur;
Et souvent la perfidie
Retourne sur son auteur.
La Grenouille et le Rat (IV,11)

Quel que soit le plaisir que cause la vengeance,
C’est l’acheter trop cher que l’acheter d’un bien
Sans qui les autres ne font rien.
Le Cheval s’étant vengé du Cerf (IV,13)

Deux sûretés valent mieux qu’une,
Et le trop en cela ne fut jamais perdu.
Le Loup, la Chèvre et le Chevreau (IV,15)

Toute puissance est faible, à moins que d’être unie:
Le Vieillard et ses enfants (IV,19)

L’usage seulement fait la possession.
L’Avare qui a perdu son trésor (IV,20)

Ne point mentir, être content du sien,
C’est le plus sûr : cependant on s’occupe
A dire faux pour attraper du bien .
Le Bûcheron et Mercure (V,1)

Ne nous associons qu’avecque nos égaux,
Ou bien il nous faudra craindre
Le destin d’un de ces pots .
Le Pot de terre et le Pot de fer (V,2)

Petit poisson deviendra grand
Pourvu que Dieu lui prête vie;
Mais le lâcher en attendant,
Je tiens pour moi que c’est folie.
Le petit Poisson et le Pêcheur (V,3)

Un Tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux Tu l’auras;
L’un est sûr, l’autre ne l’est pas.
Le petit Poisson et le Pêcheur (V,3)

Travaillez, prenez de la peine:
C’est le fonds qui manque le moins.
Le Laboureur et ses Enfants (V,9)

L’avarice perd tout en voulant tout gagner
La Poule aux oeufs d’or (V,13)

Belle leçon pour les gens chiches !
Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus,
Qui du soir au matin sont pauvres devenus,
Pour vouloir trop tôt être riches !
La Poule aux oeufs d’or (V,13)

Ceci s’adresse à vous, esprits du dernier ordre,
Qui, n’étant bons à rien, cherchez sur tout à mordre.
Vous vous tourmentez vainement.
Croyez-vous que vos dents impriment leurs outrages
Sur tant de beaux ouvrages ?
Ils sont pour vous d’airain, d’acier, de diamant .
Le Serpent et la Lime (V,16)

Il ne se faut jamais moquer des misérables,
Car qui peut s’assurer d’être toujours heureux ?
Le Lièvre et la Perdrix (V,17)

Il n’est rien inutile aux personnes de sens
Le Lion s’en allant en guerre (V,19)

Il m’a dit qu’il ne faut jamais
Vendre la peau de l’ours qu’on ne l’ait mis par terre.
L’Ours et les deux Compagnons (V,20)

La vraie épreuve du courage
N’est que dans le danger que l’on touche du doigt,
Tel le cherchait, dit-il, qui, changeant de langage,
S’enfuit aussitôt qu’il le voit.
Le Lion et le Chasseur (VI,2)

Plus fait douceur que violence
Phébus et Borée (VI,3)

Concluons que la Providence
Sait ce qu’il nous faut mieux que nous
Jupiter et le Métayer (VI,4)

Garde-toi, tant que tu vivras,
de juger les gens sur la mine
Le Cochet, le Chat et le Souriceau (VI,5)

Quand le malheur ne serait bon
Qu’à mettre un sot à la raison,
Toujours serait-ce à juste cause
Qu’on le dit bon à quelque chose.
Le Mulet se vantant de sa généalogie (VI,7)

Nous faisons cas du beau, nous méprisons l’utile
Le Cerf se voyant dans l’eau (VI,9)

Rien ne sert de courir, il faut partir à point
Le Lièvre et la Tortue (VI,10)

Tous gens sont ainsi faits :
Notre condition jamais ne nous contente;
La pire est toujours la présente;
Nous fatiguons le ciel à force de placets.
Qu’à chacun Jupiter accorde sa requête,
Nous lui romprons encor la tête.
L’Ane et ses Maitres (VI,11)

Il est bon d’être charitable :
Mais envers qui ? c’est là le point.
Quant aux ingrats, il n’en est point
Qui ne meure enfin misérable.
Le Villageois et le Serpent (VI,13)

Les injustices des pervers
Servent souvent d’excuse aux nôtres.
Telle est la loi de l’univers :
Si tu veux qu’on t’épargne, épargne aussi les autres .
L’Oiseleur, l’Autour et l’Alouette (VI,15)

En ce monde il se faut l’un l’autre secourir :
Si ton voisin vient à mourir,
C’est sur toi que le fardeau tombe.
Le Cheval et l’Ane (VI,16)

Chacun se trompe ici-bas :
On voit courir après l’ombre
Tant de fous qu’on n’en sait pas
La plupart du temps le nombre.
Le Chien qui lâche sa proie pour l’ombre (VI,17)

Aide-toi, le ciel t’aidera
Le Chartier embourbé (VI,18)

C’est folie
De compter sur dix ans de vie.
Soyons bien buvants, bien mangeants :
Nous devons à la mort de trois l’un en dix ans.(*)(*) Un homme sur trois est voué à la mort dans les 10 ans qui viennent (Note JMB)
Le Charlatan (VI,19)

Selon que vous serez puissant ou misérable
Les jugements de cour vous rendrontblanc ou noir
Les animaux malades de la peste (VII,1)

Ne soyons pas si difficiles:
Les plus accomodants, ce sont les plus habiles;
On hasarde de perdre en voulant trop gagner.
Gardez-vous de rien dédaigner,
Surtout quand vous avez à peu près votre compte.
Bien des gens y sont pris.
Le Héron (VII,4)

Ne soyez à la cour, si vous voulez y plaire,
Ni fade adulateur, ni parleur trop sincère,
Et tâchez quelquefois de répondre en Normand.
La cour du Lion (VII,7)

Tenez toujours divisés les méchants:
La sureté du reste de la terre
Dépend de là. Semez entre eux la guerre,
Ou vous n’aurez avec eux nulle paix.
Les Vautours et les Pigeons (VII,8)

Ainsi certaines gens, faisant les empressés,
S’introduisent dans les affaires:
Ils font partout les nécessaires,
Et, partout importuns, devraient être chassés.
Le Coche et la Mouche (VII,9)

Tout vainqueur insolent à sa perte travaille.
Défions-nous du sort, et prenons garde à nous
La fortune se plaît à faire de ces coups:
Après le gain d’une bataille.
Les deux Coqs (VII,13)

Le bien nous le faisons, le mal c’est la fortune;
On a toujours raison, le destin toujours tort.
L’Ingratitude et l’Injustice des Hommes envers la Fortune (VII,14)

La Mort ne surprend point le sage;
Il est toujours prêt à partir,
S’étant su lui-même avertir
Du temps où l’on se doit résoudre à ce passage.

La Mort et le Mourant (VIII,1)

Défendez-vous par la grandeur,
Alléguez la beauté, la vertu, la jeunesse:
La Mort ravit tout sans pudeur;
La Mort et le Mourant (VIII,1)

Le plus semblable aux morts meurt le plus à regret
La Mort et le Mourant (VIII,1)

Messieurs les courtisans, cessez de vous détruire;
Faites, si vous pouvez, votre cour sans vous nuire.
Le mal se rend chez vous au quadruple du bien.
Les daubeurs ont leur tour d’une ou d’autre manière:
Vous êtes dans une carrière
Où l’on ne se pardonne rien.
Le Lion, le Loup et le Renard (VIII,3)

Le monde est vieux, dit-on: je le crois; cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant.
Le pouvoir des Fables (VIII,4)

Rien ne pèse tant qu’un secret:
Le porter loin est difficile aux dames;
Et je sais même sur ce fait
Bon nombre d’hommes qui sont femmes.
Les Femmes et le secret (VIII,6)

Nous n’avons pas les yeux à l’épreuve des belles,
Ni les mains à celle de l’or:
Peu de gens gardent un trésor
Avec des soins assez fidèles.
Le Chien qui porte au cou le dîné de son Maître (VIII,7)

Si quelque scrupuleux, par des raisons frivoles,
Veut défendre l’argent et dit le moindre mot,
On lui fait voir qu’il est un sot.
Il n’a pas de peine à se rendre:
C’est bientôt le premier à prendre.
Le Chien qui porte au cou le dîné de son Maître (VIII,7)

Tel est pris qui croyait prendre
Le Rat et l’Huitre (VIII,9)

Rien n’est si dangereux qu’un ignorant ami;
mieux vaudrait un sage ennemi.
L’Ours et l’Amateur des jardins (VIII,10)

Qu’un ami véritable est une douce chose!
Il cherche vos besoins au fond de votre coeur;
Il vous épargne la pudeur
De les lui découvrir lui même:
Un songe, un rien, tout lui fait peur
Quand il s’agit de ce qu’il aime.
Les deux Amis (VIII,11)

 

Quand le mal est certain,
La plainte ni la peur ne changent le destin;
Et le moins prévoyant est toujours le plus sage.

Le Cochon, la Chèvre et le Mouton (VIII,12) 

Amusez les rois par des songes;
Flattez-les, payez-les d’agréables mensonges:
Quelque indignation dont leur coeur soit rempli,
Ils goberont l’appât; vous serez leur ami.
Les Obsèques de la Lionne (VIII,14)

Se croire un personnage est fort commun en France:
On y fait l’homme d’importance,
Et l’on n’est souvent qu’un bourgeois.
C’est proprement le mal françois:
La sotte vanité nous est particulière.
Le Rat et l’Eléphant (VIII,15)

On rencontre sa destinée
Souvent par des chemins qu’on prend pour l’éviter
L’Horoscope (VIII,16)

Il se faut entr’aider, c’est la loi de nature
L’Ane et le Chien (VIII,17)

…/…tout compté, mieux vaut, en bonne foi,
S’abandonner à quelque puissant roi,
Que s’appuyer de plusieurs petits princes.
Le Bassa et le Marchand  (VIII,18)

Laissez dire les sots, le savoir a son prix
L’Avantage de la Science (VIII,19)

Les gens sans bruit sont dangereux
Il n’en est pas ainsi des autres.
Le Torrent et la Rivière (VIII,23)

Les vertus devraient être soeurs
Ainsi que les vices sont frères.
Dès que l’un de ceux-ci s’empare de nos coeurs,
Tous viennent à la file, il ne s’en manque guères.
Les deux Chiens et l’Ane mort (VIII,25)

Quand l’absurde est outré, l’on lui fait trop d’honneur
De vouloir par raison combattre son erreur:
Enchérir est plus court, sans s’échauffer la bile.
Le Dépositaire infidèle (IX,1)

Amants, heureux amants, voulez-vous voyager?
Que ce soit aux rives prochaines.
Soyez-vous l’un à l’autre un monde toujours beau,
Toujours divers, toujours nouveau;
Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste.
Les deux Pigeons (IX,2)

Ce n’est pas sur l’habit
Que la diversité me plaît; c’est dans l’esprit:
L’une fournit toujours des choses agréables;
L’autre, en moins d’un moment, lasse les regardants.
Oh! que de grands seigneurs au léopard semblables,
N’ont que l’habit pour tous talents!
Le Singe et le Léopard (IX,3)

Chacun tourne en réalités,
Autant qu’il peut, ses propres songes:
L’homme est de glace aux vérités;
Il est de feu pour les mensonges.
Le Statuaire et la statue de Jupiter (IX,6)

Tout débattu, tout bien pesé,
Les âmes des souris et les âmes des belles
Sont très différentes entre elles;
Il en faut revenir toujours à son destin,
C’est à dire à la loi par le ciel établie:
Parlez au diable, parlez à la magie,
Vous ne détournerez nul être de sa fin.
La Souris métamorphosée en Fille (IX,7)

Jamais auprès des fous ne te mets à portée:
Je ne te puis donner un plus sage conseil.
Il n’est enseignement pareil
A celui-là de fuir une tête éventée.
On en voit souvent dans les cours:
Le prince y prend plaisir; car ils donnent toujours
Quelque trait aux fripons, aux sots, aux ridicules.
Le Fou qui vend la sagesse (IX,8)

Mettez ce qu’il en coûte à plaider aujourd’hui;
Comptez ce qu’il en reste à beaucoup de familles,
Vous verrez que Perrin tire l’argent à lui,
Et ne laisse aux plaideurs que le sac et les quilles.
L’Huître et les Plaideurs (IX,9)

De tous les animaux, l’homme a le plus de pente
A se porter dedans l’excès.
Il faudrait faire le procès
Aux petits comme aux grands. Il n’est âme vivante
Qui ne prêche en ceci. Rien de trop est un point
Dont on parle sans cesse, et qu’on n’observe point.
Rien de trop (IX,11)

Le trop d’expédients peut gâter une affaire:
On perd du temps au choix, on tente, on veut tout faire.
N’en ayons qu’un, mais qu’il soit bon.
Le Chat et le Renard (IX,14)

L’avare rarement finit ses jours sans pleurs,
Il a le moins de part au trésor qu’il enserre,
Thésaurisant pour les voleurs,
Pour ses parents ou pour la terre.
Le Trésor et les deux Hommes (IX,15)

Aussi ne le sont pas la plupart de ces princes
Qui, flattés d’un pareil emploi,
Vont s’échauder en des provinces
Pour le profit de quelque roi.
Le Singe et le Chat (IX,16)

Ventre affamé n’a point d’oreilles
Le Milan et le Rossignol (IX,17)

Haranguez de méchants soldats:
Ils promettent de faire rage;
Mais, au moindre danger, adieu tout le courage;
Votre exemple et vos cris ne les retiendront pas.
Le Berger et son troupeau (IX,18)

On en use ainsi chez les grands:
La raison les offense, ils se mettent en tête
Que tout est né pour eux, quadrupèdes et gens
Et serpents.
Si quelqu’un desserre les dents,
C’est un sot. -J’en conviens: mais que faut-il?
– Parler de loin ou bien se taire.
L’Homme et la Couleuvre (X,1)

Imprudence, babil, et sotte vanité,
Et vaine curiosité,
Ont ensemble étroit parentage.
Ce sont enfants tous d’un lignage.
La Tortue et les deux Canards (X,2)

Qu’importe qui vous mange? Homme ou loup, toute panse
Me paraît une à cet égard;
Un jour plus tôt, un jour plus tard,
Ce n’est pas grande différence.
Les Poissons et le Cormoran (X,3)

Il n’est pas malaisé de tromper un trompeur
L’Enfouisseur et son compère (X,4)

Jupin pour chaque état mit deux tables au monde:
L’adroit, le vigilant, et le fort sont assis
A la première; et les petits
Mangent leur reste à la seconde.
L’Araignée et l’Hirondelle (X,6)

O vous, pasteurs d’humains et non pas de brebis,
Rois, qui croyez gagner par raisons les esprits
D’une multitude étrangère,
Ce n’est jamais par là que l’on en vient à bout.
Il y faut une autre manière:
Servez-vous de vos rets; la puissance fait tout.
Les Poissons et le Berger qui joue de la Flûte (X,10)

L’absence est aussi bien un remède à la haine
Qu’un appareil contre l’amour.
Les deux Perroquets, le Roi et son Fils (X,11)

Aucun chemin de fleurs ne conduit à la gloire
Les deux Aventuriers et le Talisman (X,13)

Fortune aveugle suit aveugle hardiesse.
Le sage quelquefois fait bien d’exécuter
Avant que de donner le temps à la sagesse
D’envisager le fait, et sans la consulter.
Les deux Aventuriers et le Talisman (X,13)

Toi donc, qui que tu sois, ô père de famille
(Et je ne t’ai jamais envié cet honneur),
T’attendre aux yeux d’autrui quand tu dors, c’est erreur.
Couche-toi le dernier, et vois fermer ta porte.
Que si quelque affaire t’importe,
Ne la fais point par procureur.
Le Fermier, le Chein et le Renard (XI,3)

Quand le moment viendra d’aller trouver les morts,
J’aurai vécu sans soin, et mourrai sans remords.
Le Songe d’un habitant du Mogol (XI,4)

L’amour-propre, au rebours, fait qu’au degré suprême
On porte ses pareils; car c’est un bon moyen
De s’élever aussi soi-même.
De tout ce que dessus j’argumente très bien
Qu’ici-bas maint talent n’est que pure grimace,
Cabale, et certain art de se faire valoir,
Mieux su des ignorants que des gens de savoir
Le Lion, le Singe et les deux Anes (XI,5)

Il ne faut jamais dire aux gens:
 » Ecoutez un bon mot, oyez une merveille. »
Savez-vous si les écoutants
En feront une estime à la vôtre pareille?
Les Souris et le Chat-huant (XI,9)

La jeunesse se flatte, et croit tout obtenir
La vieillesse est impitoyable
Le vieux Chat et la jeune Souris (XII,5)

Il en coûte à qui vous réclame,
Médecins du corps et de l’âme!
O temps! ô moeurs! j’ai beau crier,
Tout le monde se fait payer
Le Cerf malade (XII,6)

Voilà le train du monde et de ses sectateurs:
On s’y sert du bienfait contre les bienfaiteurs.
Je suis las d’en parler.
Mais que de doux ombrages
Soient exposés à ces outrages,
Qui ne se plaindrait là-dessus!
Hélas! j’ai beau crier et me rendre incommode,
L’ingratitude et les abus
N’en seront pas moins à la mode.
La Forêt et le Bûcheron (XII,16)

… de tout inconnu le sage se méfie
Le Renard, le Loup et le Cheval (XII,17)

Le trop d’attention qu’on a pour le danger
Fait le plus souvent qu’on y tombe.
Le Renard et les Poulets d’Inde (XII,18)