Le Milan et le Rossignol (Livre IX – Fable 18)

Tout comme celle qui suivra, cette fable, ne porte aucun numéro dans les premières éditions tant dans celle de 1679 que dans celle de 1692. Cette pièce, ainsi que la précédente (« Le Singe et le Chat »), a été particulièrement appréciée par Madame de Sévigné.
La plus ancienne source connue pour cette fable serait le poète grec Hésiode (« Les travaux et les jours », milieu du VIIIe siècle avant J.-C.). Elle aurait été reprise par Esope quelques siècles plus tard (« Le Rossignol et l’Epervier »). Nous connaissons deux autres versions de ce texte, dont celle d’Abstémius.

Après que le milan, manifeste voleur,
Eut répandu l’alarme en tout le voisinage,
Et fait crier sur lui les enfants du village,
Un rossignol tomba dans ses mains par malheur.
Le héraut du printemps lui demande la vie.
« Aussi bien, que manger en qui n’a que le son ?
Ecoutez plutôt ma chanson :
Je vous raconterai Térée et son envie,
– Qui, Térée ? Est-ce un mets propre pour les milans ?
– Non pas ; c’était un roi dont les feux violents
Me firent ressentir leur ardeur criminelle.
Je m’en vais vous en dire une chanson si belle
Qu’elle vous ravira : mon chant plaît à chacun. »
Le milan alors lui réplique :
« Vraiment, nous voici bien ; lorsque je suis à jeun,
Tu me viens parler de musique.
– J’en parle bien aux rois. – Quand un roi te prendra,
Tu peux lui conter ces merveilles.
Pour un milan, il s’en rira :
Ventre affamé n’a point d’oreilles. »

Ses mains : ses serres.

Héraut : au Moyen Age, personnage qui est chargé d’organiser les cérémonies mais aussi d’annoncer les nouvelles, de porter les déclarations de guerre,…

Térée: Ce roi de Thrace fut pris d’une ardeur meurtrière envers sa belle-sœur Philomèle qu’il viola, à qui il coupa la langue pour l’empêcher de parler,… et « fit cent sottises pareilles ».

Ventre affamé n’a point d’oreilles: Passé en proverbe. On trouve déjà une devise semblable chez Caton l’Ancien et chez Rabelais (« Quart Livre », chapitres LVII et LXIII).