Les exemples illustrant « Rien de trop » proviennent de sources diverses. Ainsi, celui traitant des épis est emprunté aux « Georgiques » de Virgile ((I, 1), tandis que le second résume un apologue d’Abstémius « Les Moutons qui tondaient les moissons d’une façon immodérée »). En bon épicurien, La Fontaine reconnaît cependant, aux deux derniers vers, que les déséquilibres qu’il dénoncent ne peuvent être étranger à quiconque.
Se comporter modérément.
Il est certain tempérament
Que le maître de la nature
Veut que l’on garde en tout. Le fait-on ? nullement.
Soit en bien, soit en mal, cela n’arrive guère.
Le blé, riche présent de la blonde Céres,
Trop touffu bien souvent, épuise les guérets :
En superfluités s’épandant d’ordinaire,
Et poussant trop abondamment,
Il ôte à son fruit l’aliment.
L’arbre n’en fait pas moins : tant le luxe sait plaire !
Pour corriger le blé, Dieu permit aux moutons
De retrancher l’excès des prodigues moissons :
Tout au travers ils se jetèrent,
Gâtèrent tout et tout broutèrent ;
Tant que le ciel permit aux loups
D’en croquer quelques-uns : ils les croquèrent tous ;
S’ils ne le firent pas, du moins ils y tâchèrent.
Puis le ciel permit aux humains
De punir ces derniers : les humains abusèrent
A leur tour des ordres divins.
De tous les animaux, l’homme a le plus de pente
A se porter dedans l’excès.
Il faudrait faire le procès
Aux petits comme aux grands. Il n’est âme vivante
Qui ne prêche en ceci. « Rien de trop » est un point
Dont on parle sans cesse, et qu’on n’observe point.
Tempérament : il s’agit de la « juste mesure » que défendait Horace dans « Satires », Livre I).
Le blé, riche présent…. : Dans « Psyché », La Fontaine écrira : « De blé, riche présent qu’à l’ homme ont fait les cieux ». Nous pourrions citer Bensserade (« Métamorphose d’Ovide en rondeaux » : « D’un grand secours sont les riches présents / Que fait Cérès aux humains tous les ans. » (cité dans « La Fontaine – Œuvres complètes, tome I ; Fables, contes et nouvelles » édition établie, présentée et annotée par Jean-Pierre Collinet ; NRF Gallimard ; Bibliothèque de La Pléiade ; 1991, p. 1233).
Cérès : La déesse romaine des moissons qui correspond à la Déméter grecque.
« L’excès des prodigues moissons » est un emprunt fait à Virgile « Géorgiques », I, 112) : « faire brouter l’herbe tendre encore, l’excessive richesse des moissons ».
De tous les animaux : de tous les êtres animés.