Procureur général au Parlement de Paris (1650), puis surintendant des Finances (1653). Ascension rapide pour cet homme qui, pendant la période sombre de la Fronde, avait été un fidèle de Mazarin. Cette fidélité lui apporte l’amitié du roi. Rapidement appelé à de hautes fonctions, son immense fortune personnelle vient, à un moment, renflouer les caisses vides de l’Etat. Il faut dire que sa technique de « prêt d’argent » à l’Etat était simple (Mazarin lui même l’avait éprouvée également): Il s’agit simplement de prêter de l’argent à l’Etat lorsque les caisses sont vides, de trafiquer les comptes dans l’entre temps, et de se rembourser en faisant un bénéfice substanciel (pouvant aller jusqu’à 10 pour 1) au moment de l’entrée d’argent dans les caisses de l’Etat. De cette manière, tant Fouquet que Mazarin se sont construits des fortunes personnelles colossales. Il espère bien, un jour, prendre la place de Mazarin, aux côtés de Louis XIV. Seulement, le roi ne l’apprécie guère et se doute un peu de cette magouille d’argent. Il finit par faire travailler dans l’ombre un nouveau fonctionnaire: Colbert. Louis XIV lui demande régulièrement de refaire les comptes que Fouquet lui présente. Le résultat est loin d’être le même. Les soupçons qui pèsent sur Fouquet sont rapidement confirmés.
Fouquet se prend d’amitié pour beaucoup d’artistes: peintres, musiciens, architectes, écrivains. Ses salons sont très prisés et très visités.En plus de sa propriété de Saint Mandé, il fait construire, à ses frais, le magnifique château de Vaux le Vicomte, château qui déplait rapidement à Colbert qui s’en entretient avec le jeune Roi.
Le 17 Août 1661, Nicolas Fouquet invite le roi à une fête donnée en son honneur dans son château. Ce soir-là, toute la Cour est présente. En arrivant, le roi pense faire un coup d’éclat. Sa décision de faire arrêter Fouquet est déjà prise. Le surintendant va tomber.. mais quand?? Molière donne une représentation des « Facheux », l’or, l’argenterie et les plus riches tapisseries sont étalés ostensiblement pour paraître grand aux yeux du roi. La fête déplait au roi. Lors de la fin de la soirée, souhaitant plaire encore au roi, Fouquet l’invite à visiter ses appartements privés. Là, en entrant, le roi tombe sur un portrait de Mademoiselle de la Vallière, sa favorite d’alors…Depuis quelques mois, Fouquet cherche à s’attirer les faveurs de cette jeune personne, ignorant qu’elle était la favorite du roi. Il va même jusqu’à lui proposer une somme de 200 000 livres pour un rendez-vous d’un soir. Plus tard, il lui fait comprendre qu’il est au courant de sa liaison avec le jeune souverain. La jeune fille, appeurée s’en va alors tout raconter au roi…
Fou de jalousie et de haine, Louis XIV décide de faire immédiatement arrêter Fouquet. Ce n’est qu’à la dernière minute que Anne d’Autriche, présente, réussit à l’en dissuader. Avant de quitter Vaux, Louis XIV félicite Fouquet pour les splendeurs de cette soirée. Fouquet accepte les compliments du monarque et est ravi de ces éloges. Mais les bruits de l’arrestation de Fouquet ont couru durant la soirée, et le principal intéressé en a également entendu parler. Les compliments du roi au moment de son départ le rassurent un peu…
Quelques jours plus tard, Louis XIV fait savoir à Fouquet qu’il aimerait qu’il rende sa charge de procureur général. Fouquet le fait, sans se méfier, croyant à une future promotion. Il ne se méfie pas non plus lorsque le souverain l’invite à voyager avec lui en Bretagne. Et il tombe de surprise lorsque le fameux D’Artagnan vient l’arrêter « au nom du Roi » le 5 septembre 1661, soit 19 jours après la fête de Vaux…
Passant de prison en prison, Fouquet arrive à Vincennes le 31 Décembre 1661. Ses interrogatoires ne commencent qu’en février 1662. L’instruction et les interrogatoires durent 3 ans. En 1664, l’ancien surintendant est condamné au bannissement à vie. Louis XIV et Colbert auraient préféré la mort… Mais il n’était pas question pour Louis XIV de laisser en liberté, à l’étranger un homme de la taille et de la stature de Fouquet. Il aurait été capable de se mettre à la disposition d’un souverain étranger, et il connaissait trop de choses sur les affaires de la France. Le roi, donc, commue cette peine en détention perpétuelle. Nicolas Fouquet se voit donc enfermé au fort de Pignerol où il meurt en 1680.
FOUQUET ET LA FONTAINE ou la fidélité du poète jusque dans l’épreuve
C’est l’oncle Jannard qui fit connaître La Fontaine et Fouquet, certainement en 1657. Jannard, haut magistrat, était alors Substitut du Procureur Général au Parlement de Paris où Fouquet était titualaire. On a vu précédemment que Fouquet pensait que l’or pourrait tout lui acheter ( y compris ses conquètes féminines…). Il prit donc à son service les plus grands: Le Nôtre, Molière, Mansard. Mais il n’avait pas de poète qui lui fût attaché en propre. L’arrivée de La Fontaie fut donc la bienvenue.
En 1658, La Fontaine présenta Adonis à Nicolas Fouquet. Afin de plaire au maître, le manuscrit du poème avait été écrit sur du papier brodé d’écureuils (l’emblème de Fouquet). Ce long poème de plus de 600 vers plut énormément à Fouquet et à Madame de Sévigné qui le lut et le fit connaître rapidement. Notre poète fut donc « engagé » et Fouquet lui demanda de bien vouloir utiliser ses talents de poète pour décrire son oeuvre: Vaux. La Fontaine se mit donc au travail, assez paresseusement, il faut l’avouer… Le résultat: « Le songe de Vaux » est assez ennuyeux. La Fontaine tenta plusieurs fois de s’en débarrasser. Cette commande ne lui plaisait guère. Le fait est qu’il devait décrire des jardins, des parcs et des fontaines qu’il ne connaissait pas puisqu’ils n’étaient même pas terminés. L’oeuvre ne fut jamais terminée… La Fontaine ne publia des extraits qu’en 1665, une autre en 1671. C’est seulement en 1729 que l’intégralité des 9 poèmes fut publiée.
En 1659, une sorte de contrat est passé entre le poète et le grand argentier: La Fontaine doit lui livrer des vers à quatre moments de l’année. Mais je laisse au poète lui-même le soin de vous expliquer les termes de son contrat:
- Je l’avoue, et c’est la vérité
- Que Monseigneur n’a que trop mérité
- La pension qu’il veut que je lui donne…
- Il me faudra quatre termes égaux.
- A la saint-Jean je promets madrigaux,
- Courts et troussés, et de taille mignonne:
- Longue lecture en été n’est pas bonne.
- Le chef d’Octobre aura son tour après
- Ma muse alors prétent se mettre en frais:
- Notre heros si le beau temps ne change,
- De menus vers aura pleine vendange;
- Ne dites point que c’est menu présent,
- Car menus vers sont en vogue à présent.
- Vienne l’an neuf, ballade est destinée:
- Qui rit ce jour, il rit toute l’anné.
- Pâques, jour saint, veut autre poésie
- J’envoirai lors, si Dieu me prête vie,
- Pour achever toute la pension,
- Quelque sonnet plein de dévotion.
- Ce terme-là pourrait être le pire:
- On me voit peu sur tels sujets écrire.
Le texte intégral de ce «contrat» est, bien évidemment, entièrement en ligne sur ce site!!!
En échange de ces vers, La Fontaine reçoit une pension convenable, mais loin de faire de lui « un milliardaire de la poésie ». Sa situation financière personnelle était loin d’être bonne, et en cette année, elle n’allait pas aller en s’améliorant…
Pendant presque deux ans, La Fontaine tint ses engagements… plus ou moins bien. Il se faisait parfois tirer l’oreille, mais l’un dans l’autre, il livrait, en temps voulu, ce qu’il avait promis. En échange, Fouquet payait régulièrement sa pension.
Ses relations avec Fouquet étaient bonnes. Il admirait le personnage et était ébloui par le faste et le luxe qui étaient dispensés chez lui. Son admiration pour Fouquet augmentait de jour en jour.
La Fontaine était bien sûr présent lors de la fête du 17 Août. Il en donna une description complète à son ami Maucroix dans une lettre datée du 22 Août. La Fontaine, pendant cette période, se faisait alors chroniqueur de ce siècle. Son ami Maucroix, alors en mission à Rome était alors éloigné de Paris et de Vaux. Régulièrement, Jean lui écrivait pour lui donner chronique de la vie de Vaux.
L’arrestation de Fouquet est une catastrophe pour La Fontaine. Financièrement? Oui, bien sûr, car sa pension ne tombe plus, mais surtout parce qu’il croyait en Fouquet et qu’il n’accepta pas cette chute. Si, au moment de la chute de l’écureuil, beaucoup retournèrent leur veste et se mirent du côté du roi contre Fouquet, La Fontaine, lui, resta fidèle à Monseigneur et le fit savoir. Il publia « l’Elégie aux Nymphes de Vaux », sans nom d’auteur, mais tout le monde reconnut dans ce poème le style de La Fontaine. En 1662, La Fontaine écrivit une « Ode au Roi » pour demander la clémence du Souverain pour Fouquet.
Toute la suite de sa vie, La Fontaine, contre vents et marées resta fidèle à l’Ecureuil. Lors de son exil dans le Limousin en 1663, il passa même plusieurs heures devant la porte de la prison où son protecteur avait été enfermé. Il paya très cher cette admiration. Le roi n’oublia jamais cette fidélité et lui rendit la monnaie de sa pièce chaque fois qu’il le put. Afin de vous permettre de constater la fidélité du poète pour le surintendant, voici queslques lignes que le poète écrivit à Fouquet dans sa prison de Vincennes:
« Cependant, permettez moi de vous dire que vous n’avez pas assez de passion pour une vie telle que la vôtre. »