Jean-Baptiste Colbert L’ennemi juré

Homme politique français, responsable des Finances sous le règne de Louis XIV, promoteur du mercantilisme.
Issu de la bourgeoisie marchande, Jean-Baptiste Colbert fut recruté, en 1638, comme simple commis, au ministère de la Guerre. En 1651, il fut engagé par Mazarin pour gérer ses affaires personnelles et gagna la confiance du cardinal. Celui-ci recommanda Colbert au jeune Louis> XIV. Travailleur, discret, Colbert devint un conseiller influent. Il précipita la chute du surintendant des Finances, Nicolas Fouquet, en dénonçant ses malversations, tandis qu’il usait lui-même de sa position pour se constituer une fortune personnelle et servir ses ambitions. Nommé successivement intendant des Finances, en 1661, surintendant des Bâtiments du roi, arts et manufactures en 1664, contrôleur général en 1665, enfin secrétaire d’État à la Maison du roi et à la Marine, en 1669, il eut toute autorité sur l’économie du royaume.
Il entraîna sa famille dans son ascension sociale, plaçant ses proches dans l’administration royale et mariant ses filles dans la noblesse. Servant toujours fidèlement la puissance royale, il travailla à réorganiser l’Administration, développant le système des intendants, et à assainir les finances du royaume. Pourtant, malgré la mise en œuvre d’une importante réforme fiscale et l’instauration  d’une ferme générale, en 1681, pour faciliter la rentrée des impôts, Colbert ne parvint pas à équilibrer les finances de l’État et fut contraint de recourir aux expédients pour financer les dépenses de guerre et de la cour du Roi-Soleil. Conduit par la même volonté d’ordre et d’efficacité, il encouragea le roi à codifier la législation par une succession d’ordonnances, entre 1667 et 1677, clarifiant le droit civil, criminel et commercial.
La marque de Colbert devait cependant s’inscrire avant tout dans le domaine économique. Le terme de colbertisme désigna ainsi le système selon lequel son promoteur réorganisa l’industrie et le commerce français. Il s’agissait en réalité d’appliquer les principes mercantilistes. Pour accroître la réserve royale en métaux précieux, le stock monétaire mesurant la puissance d’un État, celui-ci devait augmenter les exportations et réduire les importations. Suivant ce modèle théorique, Colbert favorisa la création de manufactures d’État (tapisseries de Beauvais, des Gobelins) ou privées (glaces de Saint-Gobain, draps à Abbeville et Sedan, soieries de Lyon) dotées de privilèges à l’exportation. Ces nouvelles industries étaient protégées de la concurrence étrangère grâce à des droits de douane prohibitifs. Cette politique économique dirigiste et protectionniste s’accompagna du développement des infrastructures —création d’un réseau de canaux et de routes —, de la fortification des ports maritimes et du développement de la marine marchande et militaire: les convois maritimes de marchandises devaient être protégés. Pour accroître les richesses du royaume, l’expansion coloniale fut favorisée, sans grand succès, tandis qu’étaient fondées de grandes compagnies de commerce dotées de privilèges et de monopoles, capables de rivaliser avec les concurrentes hollandaises et anglaises: Compagnie des Indes orientales et son homologue des Indes occidentales en 1664, compagnies du Nord en 1669 puis du Sénégal en 1673.
Le bilan du colbertisme fut en demi-teintes. Si la politique menée par Colbert permit à l’économie française de sortir du cadre étroit du corporatisme, la réglementation rigide des manufactures freina finalement l’évolution de l’industrie, tandis que l’importance de l’agriculture, au sein d’un royaume demeuré rural, était négligée. Quant à la politique économique extérieure, elle déboucha dans bien des cas sur des guerres, qui grevèrent davantage les finances publiques. Chargé du mécénat royal des arts et des sciences, Colbert a laissé un héritage plus solide. Il fonda l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 1663, celle des sciences en 1666 (voir Institut de France) ainsi que l’Académie de France à Rome en 1666. On lui doit également l’Observatoire de Paris en 1667.
L’échec de Colbert à imposer une rationalité budgétaire et à équilibrer les finances du royaume profita à son rival, le marquis de Louvois, fils du ministre de la Guerre Le Tellier. Dès 1680, l’influence de Colbert avait commencé de décliner. Cependant, il conserva jusqu’à la fin de sa vie un rôle dans les affaires publiques du royaume.