Jean de La Bruyère

Moraliste français, auteur des Caractères.

 

La vie de La Bruyère

Né à Paris le 17 août 1645, Jean de La Bruyère était de famille bourgeoise. Il fréquenta le collège des Oratoriens, puis fit des études de droit à Orléans. Devenu avocat, il acheta une charge de trésorier des Finances (1673) puis mena à Paris une vie modeste et simple. En 1684, grâce à Bossuet, il fut nommé précepteur du duc de Bourbon, petit-fils du Grand Condé, et, à partir de 1686, il en devint le secrétaire. Ce sont ces charges qui lui procurèrent l’occasion d’observer les mœurs de la cour.

De ses observations, il tira les Caractères de Théophraste traduits du grec, avec les caractères ou les mœurs de ce siècle. Publiée en 1688, cette œuvre connut un vif succès. Lors de la querelle des Anciens et des Modernes, La Bruyère prit parti pour les Anciens, défenseurs des valeurs de l’Antiquité et du classicisme. Il s’attira d’ailleurs l’hostilité des Modernes par certaines des remarques acerbes figurant dans les Caractères. Son élection à l’Académie française (1693), après deux échecs, fut un triomphe pour les Anciens; dans son discours de réception, il brava à la fois les Modernes et les défenseurs de Corneille, en réservant ses louanges à La Fontaine, BossuetBoileau et Racine, qui sont tous des Anciens.

La Bruyère mourut subitement le 11 mai 1696, à Versailles, d’une attaque d’apoplexie.

Les Caractères

Les Caractères se présentent comme un recueil de maximes et de portraits, destinés à dépeindre les mœurs de l’époque.

En son temps, La Bruyère pensait donner de l’importance à son œuvre en la présentant comme inspirée par Théophraste, mais à nos yeux elle surpasse celle de son modèle.

L’art de La Bruyère est classique par excellence!; il exposa, après Montaigne, Pascal et La Fontaine, la doctrine de l’«imitation créatrice», où «tout est dit, et l’on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu’il y a des hommes, et qui pensent». Il esquissa aussi, dès le premier chapitre, l’essentiel de la doctrine classique : nécessité de travail, croyance en un goût absolu pour retranscrire les idées et les mots avec naturel et justesse, imitation des Anciens (les auteurs de l’Antiquité), liens étroits entre l’esthétique et la morale. Il résuma en ces quelques mots ses idées sur l’écriture classique : «C’est un métier que de faire un livre».

Les maximes étaient alors un genre à la mode; celles de La Bruyère font d’ailleurs écho à celles de La Rochefoucauld, puisque les unes et les autres présentent, de façon laconique et brève, des commentaires sur les mœurs.

Avec les Caractères, La Bruyère poursuivait un double objectif : dépeindre ses contemporains d’après nature et, par là, les aider à se corriger de leurs défauts, mais aussi saisir l’universalité de la nature humaine.

L’œuvre se découpe en seize chapitres, «Des ouvrages de l’esprit», «Du mérite personnel», «Des femmes», «Du cœur», «De la société et de la conversation», «Des biens de fortune», «De la ville», «De la cour», «Des grands», «Du souverain et de la république», «De l’homme», «Des jugements», «De la mode», «De quelques usages», «De la chaire», «Des esprits forts». Les principaux thèmes abordés, on le voit, sont la critique littéraire, la peinture de mœurs (La Bruyère dénonce la superficialité des mœurs de la cour), la critique sociale et politique (il s’en prend à l’organisation du pays et fustige une société de privilèges), mais le thème prédominant reste la dénonciation du faux-semblant, sous tous ses aspects : pour ce moraliste, il n’était pire chose que la manie du masque et l’incapacité d’être vrai.

Les portraits de La Bruyère sont le travail d’un fin observateur, qui analyse les hommes avec justesse et les dépeint avec une ironie mordante tout en dénonçant les travers du temps. Plus vivants que ses maximes, ils présentent non des individus mais des types humains, où le public de l’époque tenta de reconnaître un certains nombre de contemporains. Prudent, La Bruyère se défendait, peut-être à juste titre, d’avoir voulu peindre des personnes particulières. Il n’en reste pas moins que ces types sont si vivants et si criants de vérité que le soupçon des contemporains s’explique, et que la tentation est forte de chercher les modèles réels de cette amusante galerie de portraits. Il est possible aussi que le dessin d’un type plutôt que d’une personne donnée, en favorisant la généralisation, ait paru à l’auteur plus édifiant moralement.

Le style des Caractères est précis, finement ciselé, et la présentation des portraits varie constamment (anecdotes, dialogues, etc.)!; le trait dominant autour duquel s’organise le caractère est toujours indiqué soit en début, soit en fin.