Langue française : pourquoi est-elle surnommée « la langue de Molière » ? Un héritage fascinant à (re)découvrir

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Molière, célèbre dramaturge français et créateur de personnages inoubliables, n’a pas directement influencé l’évolution du français sur le plan linguistique. Pourtant, l’expression « la langue de Molière » est aujourd’hui un synonyme bien ancré pour désigner la langue française. D’où vient cette appellation ? Voici ce que nous révèle l’histoire.

L’origine du surnom « la langue de Molière »

Le terme « langue de Molière » remonte au XIXe siècle, bien après la mort de l’auteur, dont le véritable nom était Jean-Baptiste Poquelin. À son époque, Molière jouissait d’une grande popularité, notamment à la cour de Louis XIV, où le théâtre était une forme de divertissement très prisée. Selon Georges Forestier, expert en littérature et spécialiste de Molière, l’écrivain a su s’inspirer des courants européens, ce qui a rendu ses pièces célèbres dans les grandes cours royales d’Europe.

À cette époque, le français commençait à se diffuser au-delà des frontières comme langue diplomatique et culturelle. Molière, par la force de ses œuvres, a joué un rôle indirect dans cette expansion. Le professeur de lettres Martial Poirson le qualifie même « d’outil d’ambassade », car ses comédies, accessibles et pleines d’esprit, symbolisaient un certain art de vivre à la française.

Un style unique qui reflète toutes les couches de la société

La langue de Molière, telle qu’elle transparaît dans ses pièces, se distingue par son caractère vivant et accessible. Contrairement à des auteurs comme Racine, qui privilégiaient un style classique et rigoureux, Molière optait pour une liberté d’expression. Il écrivait à la fois en prose et en vers, utilisant un langage riche en inventivité. Sa plume mêlait expressions familières, jeux de mots et inventions linguistiques, tout en dépeignant avec réalisme les accents et les dialogues propres à chaque classe sociale.

Dans des œuvres comme Monsieur de Pourceaugnac, il caricature nobles et bourgeois avec un style qui, bien qu’amusant et populaire, n’était pas toujours apprécié de ses contemporains. Par ailleurs, Molière ne fit jamais partie de l’Académie française, et certains écrivains de son époque critiquaient son écriture, jugée trop éloignée des canons littéraires classiques. Cependant, son œuvre incarne un esprit français universel, fait d’humour, de critique sociale et de réalisme.

Les périphrases dans la langue française : une spécialité culturelle

Le surnom « langue de Molière » s’inscrit dans une tradition française où l’on aime remplacer un mot par une périphrase, une figure de style qui consiste à employer un équivalent imagé. Ainsi, le français n’est pas la seule langue à porter le nom d’un auteur célèbre. L’espagnol est parfois appelé « la langue de Cervantès » et l’allemand « la langue de Goethe ». Ce procédé est à la fois un hommage à des figures emblématiques de la littérature et un moyen d’enrichir l’expression.

Cependant, contrairement à Shakespeare, qui a profondément modifié la langue anglaise en inventant de nombreux mots, Molière n’a pas directement contribué à l’évolution du français. En revanche, son art du dialogue et son usage satirique de la langue ont influencé la littérature et le théâtre, marquant durablement la culture française. Il n’hésitait pas à se moquer du français lui-même, comme dans Les Femmes savantes, où il tourne en dérision le pédantisme linguistique de certains personnages.

Quand utilise-t-on l’expression « parler la langue de Molière » ?

L’expression « parler la langue de Molière » est avant tout une manière élégante de désigner le français. Elle évoque une langue riche en nuances et en finesse, capable de refléter toutes les dimensions de la société. Par exemple, Molière faisait parler ses personnages avec des accents et des tournures de phrases spécifiques, représentant fidèlement les différentes classes sociales. Pour le comique verbal, il n’hésitait pas à jouer avec des fautes de grammaire ou des calembours, rendant ses dialogues encore plus vivants et universels.

Cette diversité dans l’expression est l’une des raisons pour lesquelles on associe le français à son œuvre. Contrairement à des écrivains comme Voltaire, dont la langue se voulait plus académique et formelle, celle de Molière touchait un public bien plus large grâce à son accessibilité et son humour.

Pourquoi parle-t-on aussi de « la langue de Shakespeare » ?

Si le français est surnommé « la langue de Molière », l’anglais, de son côté, est souvent qualifié de « langue de Shakespeare ». Toutefois, la raison est très différente. Shakespeare a non seulement écrit des pièces magistrales, mais il a également enrichi la langue anglaise en inventant des centaines de mots et d’expressions encore couramment utilisés aujourd’hui. Il puisait dans le latin, le français et d’autres langues pour créer un vocabulaire unique, poétique et innovant. Contrairement à Molière, il ne reflétait pas la langue parlée de son époque, mais en a profondément transformé la structure.

Une expression qui incarne un héritage culturel

Dire que le français est « la langue de Molière » ne signifie pas que ce dernier a transformé la langue, mais plutôt qu’il a su capturer son essence. À travers ses œuvres, Molière a incarné l’esprit français dans toute sa diversité et son humour. Aujourd’hui, ce surnom rappelle l’importance de la littérature dans l’identité culturelle et souligne le rôle de l’art dans la diffusion d’une langue. Alors, la prochaine fois que vous parlerez français, souvenez-vous que vous utilisez une langue qui porte l’héritage d’un théâtre universel, accessible et intemporel.

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