Charles Perrault Un ami fidèle

Ecrivain français, qui fut à l’origine de la querelle des Anciens et des Modernes, et qui contribua à mettre au goût du jour le genre littéraire des contes de fées. Fils d’un parlementaire parisien, il était le dernier d’une famille de quatre frères, qui se distinguèrent tous sous le règne de Louis XIV. Son frère aîné, Pierre, était premier commis de Colbert, et lui-même travailla pendant vingt ans à son service, chargé de la politique artistique et littéraire de Louis XIV. Contrôleur général des bâtiments du roi, membre de la Commission des inscriptions publiques (future Académie des inscriptions et belles-lettres), il fut élu en 1671 à l’Académie française, où il fut l’initiateur et le principal protagoniste de la fameuse querelle des Anciens et des Modernes. Depuis la Renaissance, la conception littéraire était dominée par le sentiment de la supériorité des auteurs de l’Antiquité (grecs et latins), et l’idéal esthétique du classicisme était fondé, entre autres, sur le principe de l’imitation des modèles, réputés indépassables, de la littérature  antique. Avec la lecture, le 27 janvier 1687, de son poème intitulé le Siècle de Louis le Grand, à la gloire du roi, Perrault exposait devant les académiciens l’idée contenue dans ces deux vers: «Que l’on peut comparer, sans crainte d’être injuste, le siècle de Louis, au beau siècle d’Auguste.» La querelle était lancée. Deux camps se formèrent avec, à leurs têtes, Boileau pour les Anciens et Perrault pour les Modernes. Il développa par la suite ses thèses en faveur des Modernes dans ses Parallèles des Anciens et des Modernes, publiées en 1688 et 1696, et dans les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle, avec leur portrait au naturel (1696-1700). Mais ce n’est pas par ces textes que Perrault a acquis dans la littérature universelle la notoriété qu’on sait. C’est par une œuvre de dimensions extrêmement réduites, ses Contes de ma mère l’Oye ou Histoires et contes du temps passé (1697), recueil de huit contes merveilleux issus du folklore national. Transmis essentiellement par les femmes, nourris en partie de l’imaginaire médiéval légendaire, chevaleresque et courtois, de textes narratifs de la Renaissance italienne, ces contes sont totalement étrangers à la tradition littéraire de l’Antiquité, et leur publication constitua une pièce essentielle dans le combat que menait Perrault en faveur des Modernes. Par ailleurs, leur style simple, «naïf», leur douceur, le fait qu’ils soient écrits en prose, correspondait à l’image que les Modernes se faisaient de la langue française et s’opposaient à l’académisme, à la pédanterie, à l’âcreté, à la rudesse qu’ils prêtaient aux Anciens, en particulier à Boileau. La prétendue destination des Contes aux enfants est donc une subversion du genre, procédé qui, inauguré par Perrault et repris après lui aux siècles suivants, répondait à une visée idéologique: la langue des contes était considérée comme la langue des nourrices, et donc, métaphoriquement, comme la langue maternelle de la France. Issus du folklore populaire français pour la plupart, les contes adaptés littérairement par Perrault n’appartenaient aucunement, en réalité, à la littérature enfantine, mais à une littérature orale, mouvante, destinée aux adultes des communautés villageoises, faits pour être lus le soir, à la veillée. Le passage des contes à la culture, écrite et savante, impliqua un processus de transformation, paradoxalement aussi profond que peu visible à première vue. En effet, qui sait aujourd’hui que le Petit Chaperon rouge des versions orales dévorait la chair de sa mère-grand, et s’abreuvait de son sang? Qui sait que Cendrillon jetait du sel dans la cendre en faisant croire qu’elle avait des poux afin qu’on la laisse tranquille? Les Contes de Perrault sont le résultat d’une censure assez nette de tous les éléments et des motifs qui, dans la version originale, pouvaient choquer ou simplement ne pas être compris par un public mondain. Mais Perrault ne se contenta pas de retrancher ce que les contes pouvaient avoir de vulgaire; il transforma le récit et l’adapta à la société de son temps, ajoutant des glaces et des parquets au logis de «Cendrillon», resituant l’action du «Petit Poucet» à l’époque de la grande famine de 1693. Parallèlement, il les teinta d’un humour spirituel, agrémenta le récit de plaisanteries parfois piquantes, destinées à ne pas prendre le merveilleux des contes trop au sérieux, déclarant par exemple que l’ogresse de «la Belle au bois dormant» veut manger la petite Aurore «à la sauce Robert», que «le prince et sa belle ne dormirent pas beaucoup» après leurs retrouvailles, ou encore que les bottes du «Chat botté» n’étaient pas très commodes pour marcher sur les tuiles des toits. Ce faisant, il adaptait son style à l’idée qu’il voulait donner des Contes de ma mère l’Oye, multipliant les archaïsmes et les tournures vieillies, utilisant le dialogue, le présent de narration ou le jeu des formulettes («Anne ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir?!»; «Ma mère-grand, comme vous avez de grands bras»), qui rappellent l’origine orale des contes et leur vivacité. Intégrant les éléments populaires du conte à une trame romanesque, multipliant les signes d’une pseudo-oralité, ainsi que ceux d’une fausse innocence, Perrault transforma le conte populaire, en réalisant un des chefs-d’œuvre de la littérature universelle, et sauva de l’oubli les huit récits traditionnels, aujourd’hui célébrissimes, qui composent son recueil.

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