Nous trouvons trace de la première partie cette histoire – la partie française – chez divers auteurs chez Pilpay et son « Livre des Lumières » mais aussi dans la « Filosofia morale » de Doni ou dans le conte libertin de Camerarius « Le Vieillard et sa toute jeune Femme ». La seconde partie de cette fable double marque une influence espagnole très prisée à l’époque. La rivalité entre les deux peuples était réelle. La Fontaine, après avoir traité de l’ambition, de l’avarice et de l’amour, ajoute dans cette pièce une émotion relativement nouvelle: la peur.
Un mari fort amoureux,
Fort amoureux de sa femme,
Bien qu’il fût jouissant, se croyait malheureux.
Jamais oeillade de la dame,
Propos flatteur et gracieux,
Mot d’amitié ni doux sourire
Déifiant le pauvre sire,
N’avaient fait soupçonner qu’il fût vraiment chéri.
Je le crois, c’était un mari.
Il ne tint point à l’hyménée
Que, content de sa destinée,
Il n’en remerciât les dieux ;
Mais quoi? Si l’amour n’assaisonne
Les plaisirs que l’hymen nous donne,
Je ne vois pas qu’on en soit mieux.
Notre épouse étant donc de la sorte bâtie,
Et n’ayant caressé son mari de sa vie,
Il en faisait sa plainte une nuit. Un voleur
Interrompit la doléance.
La pauvre femme eut si grand peur
Qu’elle chercha quelque assurance
Entre les bras de son époux.
« Ami voleur, dit-il, sans toi ce bien si doux
Me serait inconnu. Prends donc en récompense
Tout ce qui peut chez nous être à ta bienséance ;
Prends le logis aussi. » Les voleurs ne sont pas
Gens honteux, ni fort délicats :
Celui-ci fit sa main.
J’infère de ce conte
Que la plus forte passion
C’est la peur ; elle fait vaincre l’aversion,
Et l’amour quelquefois ; quelquefois il la dompte :
J’en ai pour preuve cet amant
Qui brûla sa maison pour embrasser sa dame,
L’emportant à travers la flamme.
J’aime assez cet emportement ;
Le conte m’en a plu toujours infiniment :
Il est bien d’une âme espagnole,
Et plus grande encore que folle.
Fort amoureux de sa femme,
Bien qu’il fût jouissant, se croyait malheureux.
Jamais oeillade de la dame,
Propos flatteur et gracieux,
Mot d’amitié ni doux sourire
Déifiant le pauvre sire,
N’avaient fait soupçonner qu’il fût vraiment chéri.
Je le crois, c’était un mari.
Il ne tint point à l’hyménée
Que, content de sa destinée,
Il n’en remerciât les dieux ;
Mais quoi? Si l’amour n’assaisonne
Les plaisirs que l’hymen nous donne,
Je ne vois pas qu’on en soit mieux.
Notre épouse étant donc de la sorte bâtie,
Et n’ayant caressé son mari de sa vie,
Il en faisait sa plainte une nuit. Un voleur
Interrompit la doléance.
La pauvre femme eut si grand peur
Qu’elle chercha quelque assurance
Entre les bras de son époux.
« Ami voleur, dit-il, sans toi ce bien si doux
Me serait inconnu. Prends donc en récompense
Tout ce qui peut chez nous être à ta bienséance ;
Prends le logis aussi. » Les voleurs ne sont pas
Gens honteux, ni fort délicats :
Celui-ci fit sa main.
J’infère de ce conte
Que la plus forte passion
C’est la peur ; elle fait vaincre l’aversion,
Et l’amour quelquefois ; quelquefois il la dompte :
J’en ai pour preuve cet amant
Qui brûla sa maison pour embrasser sa dame,
L’emportant à travers la flamme.
J’aime assez cet emportement ;
Le conte m’en a plu toujours infiniment :
Il est bien d’une âme espagnole,
Et plus grande encore que folle.
Malheureux : mal aimé.
Fit sa main : prit ce qui lui plaisait.
Cet amant qui brûla sa maison: La Fontaine veut parler de Jean de Villa Medina qui, selon Tallemant des Réaux (« Historiettes ») provoqua un incendie afin d’emporter dans ses bras la femme de Philippe V d’Espagne
D’une âme espagnole: Voir « Le Rat et l’Eléphant » (Livre VIII, fable 15) ; dans cette fable, La Fontaine parle encore une fois des traits de caractères prêtés aux Espagnols.