Chargé d’ans et pleurant son antique prouesse,
Fut enfin attaqué par ses propres sujets,
Devenus forts par sa faiblesse.
Le cheval s’approchant lui donne un coup de pied;
Le loup, un coup de dent; le boeuf, un coup de corne.
Le malheureux lion, languissant, triste, et morne,
Peut à peine rugir, par l’âge estropié.
Il attend son destin, sans faire aucunes plaintes,
Quand voyant l’âne même à son antre accourir:
«Ah! c’est trop, lui dit-il; je voulais bien mourir;
Mais c’est mourir deux fois que souffrir tes atteintes.»
Le Lion devenu vieux: Titre du manuscrit de Conrart « Le Lion accablé de vieillesse ».
Prouesse: Courage, vaillance. Mot déjà vieilli à l’époque de La Fontaine.
Estropié: Dans un état de grande infirmité.
Aucunes: S’employait fréquemment au pluriel dans le cas de négations restreintes.
A son antre accourir: Variante du ms de Conrart « au combat accourir ».