Le Chien qui lâche sa proie pour l'ombre
Livre VI - Fable 17
Cette
courte fable trouve sa source chez Esope (« Le Chien qui porte de la
viande »). Elle sera reprise par Phèdre et traduite par de Sacy dans sa version des
Fables écrite en français pour Port-Royal (1647). Voici la morale de de Sacy : « Celui
qui désire le bien d'autrui perd justement le sien propre ».
Chapelain, cité par Collinet, écrit dans « Discours de la Gloire » : Jamais personne
qui fut sage n'a abandonné le corps, bien que petit, pour suivre son ombre, bien que
grande. » (« La Fontaine - Ouvres complètes, tomeI ; Fables, contes et nouvelles »
édition établie, présentée et annotée par Jean-Pierre Collinet ; NRF
Gallimard ; Bibliothèque de La Pléiade ; 1991, p.1156).
Nous prenons parfois la proie pour l'ombre ; chacun se trompe ici-bas. Mais nous pouvons
nous en sortir.
Chacun se trompe ici-bas :
On
voit courir après
l'ombre
Tant
de fous qu'on n'en sait pas
La
plupart du temps le nombre.
Au chien dont parle Ésope il faut les renvoyer.
Ce chien, voyant sa proie en l'eau représentée,
La quitta pour l'image, et pensa se noyer.
La rivière devint tout d'un coup agitée;
A toute peine il regagna les bords,
Et n'eut ni l'ombre ni
le corps.
